À la veille du soixante-dixième anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine, retour sur le « grand bond en avant » de l’économie chinoise.
Un « grand bond en avant » qui n’a pas grand-chose à voir avec celui lancé en 1958 par le « grand timonier » Mao Zedong. Son ambitieux mouvement d’industrialisation à grande échelle et de collectivisation avait en effet anéanti le pays. On se souvient que pour financer le développement industriel, sensé redonner sa grandeur à la Chine, les récoltes des paysans avaient été réquisitionnées, ce qui avait conduit à une grande famine et provoqué la mort de dizaines de millions de Chinois.
La Chine, est alors l’un des pays les plus pauvres au monde. Selon les données de l’OCDE, le PIB par habitant y est deux fois plus faible que celui de l’Afrique, vingt fois plus que celui des États-Unis.
Mais aujourd’hui, la République populaire, qui fête ses 70 ans, peut s’enorgueillir d’être la deuxième puissance économique de la planète. Un bond de géant grâce auquel elle entend bien détrôner dans un proche avenir le grand rival américain.
L’artisan de ce décollage économique, Deng Xiaoping
Le « petit timonier », il mesurait 1,52 mètre, également surnommé le « petit géant », a en effet, le premier, ouvert progressivement l’économie chinoise aux mécanismes de marché et à l’international. Son programme de réformes permet en vingt ans à quelque cinquante millions de Chinois de sortir de la très grande pauvreté.
Mais le grand tournant survient plus tard en 2001 avec l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le commerce extérieur chinois connaît alors une croissance exponentielle. L’« usine du monde » a un débouché pour ses produits qui inondent d’abord les marchés américain et européens puis le reste du monde. Et ceux qui pensaient naïvement que la Chine allait se diriger vers une économie de marché et respecter les règles d’une économie libérale non centralisée en sont pour leurs frais. Le pays continue aujourd’hui encore à largement subventionner ses entreprises et, même s’il s’en défend, contrôle sa monnaie pour protéger ses exportations.
Et c’est contre ce capitalisme à la chinoise que l’Américain Donald Trump est entré en guerre commerciale, quitte à mettre en péril la croissance mondiale qui se remet à peine de la crise financière de 2008.
Un nouveau tournant pris par l’actuel président Xi Jinping
Le « nouveau timonier », comme aime à le surnommer la presse, a ouvert une nouvelle ère en faisant le choix d’une croissance plus qualitative. La Chine ne sera plus uniquement l’atelier du monde, elle sera également terre d’innovation technologique. Huawei, leader dans la 5G en est un exemple parmi d’autres. Il faut savoir en effet que l’année dernière; selon les chiffres de l’organisation mondiale de la propriété intelectuelle, la Chine a déposé un nombre record de demandes de brevets – 1,38 million – loin devant les États-Unis et leurs 607 000 demandes.
Mais la grande réalisation de Xi Jinping reste ses nouvelles Routes de la soie. Pour asseoir son statut de puissance globale, la Chine compte sur les retombées de ce projet titanesque dont l’ambition est de relier, à travers la construction d’infrastructures autoroutières, ferroviaires et maritimes, l’Asie à l’Europe mais aussi à l’Afrique. Alors que Donald Trump ne jure que par son America first, « l’Amérique d’abord », Xi Jinping se présente, lui, comme le défenseur du multilatéralisme et d’une coopération gagnant-gagnant. Prenant le contrepied de son prédécesseur Deng Xiaoping pour qui la Chine devait faire profil bas et attendre son heure, le nouveau maître de Pékin cherche au contraire à exporter ce nouveau socialisme à la chinoise qui fait bien peu de place aux libertés et à la démocratie.
L’ombre au tableau : la guerre commerciale lancée en janvier 2018 par Donald Trump
Un conflit qui a eu pour premier effet un fort ralentissement de la croissance chinoise. Officiellement autour de 6%, la plus faible en trois décennies, mais dans la réalité deux fois moins selon de nombreux experts indépendants. Un conflit dont on ne mesure pas encore bien les conséquences. Car au-dela de cette guerre commerciale, c’est bien pour le leadership mondial, pour deux visions du monde, que les deux premières puissances économiques de la planète s’affrontent.
RFI