La fondation Mo Ibrahim a décerné son prix de la bonne gouvernance à l’ancienne présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf. Une distinction qui doit lui être remise lors d’une cérémonie à Kigali, au Rwanda. Un choix qui fait bondir l’ancien premier ministre en exil. Il se dit stupéfait qu’un prix de bonne gouvernance puisse être remis malgré les accusations qui pèsent sur le président Paul Kagame.
Cette année, pour la cinquième fois depuis 2007, la fondation du milliardaire Mo Ibrahim a remis son prix de la bonne gouvernance en Afrique. Il récompense l’ancienne présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf qui a quitté le pouvoir après deux mandats comme le prévoyait la Constitution.
Mais cette récompense suscite beaucoup de commentaires. D’une part parce que l’ex-chef d’Etat est empêtré dans des affaires de corruption, et parce qu’elle a eu un rôle très obscur pendant la guerre civile. D’autre part, parce que le prix a été remis au Rwanda, dont le président Kagame est lui aussi accusé de répressions sanglantes.
Le milliardaire Mo Ibrahim défend son choix : « Je ne crois pas que Paul Kagame soit un personnage controversé. Le Rwanda est un pays africain à part, car il a une histoire particulière. Le Rwanda a fait de gigantesques bonds en avant. Nos discussions ce week-end ont surtout porté sur ce sujet fondamental que sont les prestations de service public. C’est central quand on parle de bonne gouvernance. Je n’ai jamais dit que le Rwanda est parfait ou que Kagame était parfait. Mais il faut quand même leur tirer notre chapeau pour tout ce qu’ils ont accompli ».
Ces quelques réserves que reconnaît Mo Ibrahim, elles semblent au contraire ahurissantes pour l’ancien Premier ministre rwandais en exil. Faustin Twagiramungu vit aujourd’hui en Belgique ; il se dit stupéfait que le prix de la fondation ait pu être remis au Rwanda. D’après lui, une distinction qui passe sous silence la répression et les crimes commis ou ordonnés par Paul Kagame n’a pas lieu d’exister.
« Je pense qu’après ce qu’il a dit, il faudrait le supprimer. Ça ne vaut rien. Sincèrement. C’est vraiment agaçant. Ça ne fait pas la promotion de gens qui combattent pour la démocratie. Pas du tout. Et essayer de dire qu’il y a de petits problèmes de respect des droits de l’homme, de la démocratie, ça dépasse tout simplement la compréhension. Et ceci est une indication que monsieur ignore totalement la situation dans laquelle nous vivons ou dans laquelle vit mon peuple. Les gens meurent de faim, les gens meurent de toutes autres maladies tropicales. Maintenant, il y a l’apartheid entre les morts. Il y a le génocide tutsi, on ne parle pas des Hutus qui ont été massacrés par le FPR. On n’en parle pas ».
L’ancienne présidente du Liberia est devenue le cinquième chef d’Etat primé par la fondation Mo Ibrahim qui n’avait plus remis de distinction depuis 2014.