La mission internationale conjointe d’observation électorale ( MIOE) de l’institut électorale pour une démocratie durable en Afrique ( EISA) et le Centre Carter a indiqué que le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible.
Nous vous proposons l’intégralité du communiqué lu par le chef de mission Denis Kazadi Kadima ce lundi 02 novembre à Abidjan.
• Le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible. Le processus électoral a exclu un grand nombre de forces politiques ivoiriennes et a été boycotté par une partie de la population dans un environnement sécuritaire volatile. Plusieurs candidats n’ont pas participé à l’élection et une part importante de la population n’a pas participé à ce scrutin. Les appels de l’opposition à la désobéissance civile et les actes de violence qui ont suivi ont également impacté le scrutin. Ces problèmes menacent l’acceptation des résultats par la population et la cohésion du pays.
• La décision du Président sortant, Alassane Ouattara, de briguer un troisième mandat, après s’être engagé à ne pas être candidat à sa propre succession, a suscité une forte crispation au sein de la classe politique et de la population.
• La validation de sa candidature, par le Conseil constitutionnel, a été contestée et à juste titre, les motivations de cette décision ne s’appuyant sur aucun fondement juridique clair ou justifié en points de droit. Cette orientation préoccupante fait écho à une tendance observée sur le continent africain, de changer ou amender la Constitution pour permettre à des Présidents en exercice de briguer un troisième mandat.
• Sur 44 candidatures déposées, 40 ont été rejetées, sans que les prétendants n’aient accès à un recours effectif, le rejet de leurs dossiers leur ayant été signifié en dernier ressort.
• Sur quatre candidatures acceptées, seuls Alassane Ouattara et Kouadio Konan Bertin ont mené campagne, les deux candidats de l’opposition ayant appelé à boycotter activement le processus électoral.
• Ces facteurs combinés ont plongé le pays dans une période de campagne électorale déséquilibrée et terne, marquée par la désobéissance civile et des violences qui ont fait plus de 30 morts et des centaines de blessés.
• L’obligation de respecter la période de campagne officielle et l’interdiction de recourir aux biens de l’État ont été largement bafouées. Les modalités de financement des partis politiques et de la campagne électorale n’ont pu être que très partiellement appliquées et le cadre juridique ne prévoit pas de plafond des dépenses de campagne ni de contrôle.
• La pandémie de COVID 19 et l’état d’urgence ont servi de soubassement pour modifier le Code électoral par ordonnance six mois avant le scrutin, sans consensus préalable de la classe politique ivoirienne.
• La République de Côte d’Ivoire devrait être particulièrement sensible au respect des décisions de la justice internationale et, notamment, des récents arrêts de la Cour africaine de droits de l’homme et des peuples dont les décisions s’imposent à elle.
• La liberté de réunion et de manifestation a été limitée par l’imposition d’une autorisation préalable soumise au pouvoir discrétionnaire de l’autorité de l’Etat. L’état d’urgence ne saurait imposer une telle limitation pendant une période électorale.
• La composition de l’administration électorale devrait garantir une représentativité des différentes forces politiques, pour autant brouillée par des revirements politiques et un blocage persistant de l’opposition sur les modalités de proposition de ses membres, ayant entraîné leur retrait de l’institution.
• Cette situation a conduit la Commission électorale indépendante (CEI) à fonctionner, au niveau central, avec 13 membres sur 16 et ses démembrements avec cinq des huit membres prévus par les textes. En outre, les démembrements de l’administration électorale sont largement dominés par la majorité présidentielle avec 97% de présidents de commissions locales, rencontrés par nos observateurs, appartenant au RHDP.
• Le fichier électoral de la Côte d’Ivoire a connu une révision en 2020, qui lui a permis d’accroître sensiblement le nombre d’électeurs inscrits, atteignant aujourd’hui environ 71% d’inscrits par rapport à la population cible. Cependant, le manque de transparence relative des institutions ivoiriennes, sur ce sujet, ne permet pas de garantir sa représentativité territoriale, la complétude des données ou encore l’unicité des électeurs. En outre, la radiation des électeurs décédés communiquée par la CEI ne représenterait que 5% des personnes potentiellement décédées depuis la dernière révision de 2018, un grand nombre d’électeurs aujourd’hui décédés restent donc présents dans la base de données. Eu égard à la tension politique observée autour de l’état de ce fichier électoral constitué il y a 10 ans, la CEI devrait pouvoir rassurer l’ensemble des acteurs en réalisant un audit externe de cette base de données, pour garantir à toute la classe politique qu’elle répond aux standards internationaux.
• La distribution des cartes d’électeur a souffert du boycott actif lancé par l’opposition, ne permettant la délivrance que de 41,15% des cartes en amont du scrutin. Pour autant, cette situation n’a pas impacté le scrutin, avec une mise à disposition des cartes dans les bureaux de vote et la possibilité, pour les électeurs, de voter sur présentation de leur carte nationale d’identité.
• Face à des médias politisés, l’opposition a profité des réseaux sociaux en les utilisant comme plateformes médiatiques très influentes dans ce processus électoral.
• Les 16 équipes d’observateurs de la MIOE ont pu observer les opérations de vote dans 17 régions du pays. Leur observation porte sur 213 bureaux de vote (BV) visités tout au long du scrutin.
• Le taux de participation observé est mitigé et présente de fortes disparités sur le territoire national avec un taux élevé dans le nord, faible dans le centre et à l’ouest et très variable dans le sud du pays.
• Le scrutin a été marqué par un grand nombre d’incidents et un environnement sécuritaire volatile. Ainsi, dans 6 des 17 régions observées, l’organisation du vote a été fortement impactée avec, à minima, 1 052 BV comptabilisés par nos observateurs, qui n’ont jamais pu ouvrir dans ces régions. Dans les autres régions observées, en dépit d’incidents localisés, le vote a pu globalement être organisé dans de bonnes conditions.
• Eu égard à cette situation sécuritaire dégradée, 54% des BV seulement, ont pu ouvrir à l’heure et les opérations d’ouverture ont été évaluées positivement dans 66% des cas. En effet, les retards observés ont précipité les membres des bureaux de vote pour ouvrir les bureaux au plus vite, sans respecter tous les points de procédure.
• Le matériel était bien disponible, dans les BV ayant ouvert, même si l’utilisation des isoloirs et des tablettes mérite d’être renforcée. Les procédures de vote, quant à elles, ont été généralement bien respectées par les membres des bureaux de vote avec, pour autant, des lacunes s’agissant de la vérification des doigts des électeurs, du contrôle biométrique prévu par la CEI et de l’affichage des listes électorales, qui n’est intervenu que dans 20% des BV.
• La distribution des cartes d’électeurs a pu être organisée dans 89% des BV observés et s’est déroulée, conformément aux procédures et sans ingérence dans 82% des cas.
• Des représentants des partis politiques étaient présents dans 99% des BV, essentiellement du RHDP (83%), l’opposition ayant boycotté le scrutin.
Sur invitation des autorités ivoiriennes, EISA et TCC ont déployé, depuis août 2020, une Mission internationale d’observation électorale (MIOE) de long-terme en Côte d’Ivoire pour observer l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et les élections législatives à venir. La mission est composée d’une équipe cadre d’EISA et du Centre Carter basée à Abidjan, de 12 observateurs internationaux de long-terme (OLT) déployés en six équipes sur l’ensemble du pays et de 24 observateurs de court-terme (OCT) qui sont venus renforcer la mission le 25 octobre. La délégation d’observateurs de court-terme est dirigée par Monsieur Denis Kadima, Directeur exécutif d’EISA.
La mission générale de la MIOE est d’évaluer, de manière indépendante, objective et impartiale, l’intégrité, la crédibilité et la transparence du processus électoral. La mission évalue cette élection présidentielle conformément au cadre juridique national, encadrant l’organisation des élections en Côte d’Ivoire et aux instruments sous régionaux, régionaux et internationaux, qui régissent les élections et, notamment, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2012, la Déclaration de l’organisation de l’unité́ africaine/Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique et le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO.
Le jour du scrutin, la MIOE a déployé, à travers le pays, 50 observateurs internationaux venant de 28 pays africains et européens, incluant 36 observateurs sur le terrain et 14 experts au sein de l’équipe cadre pour évaluer le scrutin du 31 octobre. Les observateurs de la mission, munis de tablettes tactiles, ont observé les opérations d’ouverture et de vote dans 213 bureaux de vote. La MIOE reste dans le pays pour observer les étapes post-électorales, dont la transmission et la centralisation des résultats, le contentieux et l’annonce des résultats. La MIOE est indépendante dans ses conclusions et adhère à la Déclaration des principes pour l’observation internationale des élections signée aux Nations-Unies en octobre 2005.
Cette déclaration est disponible en français et en anglais, seule la version française faisant foi
CONTEXTE POLITIQUE ET SECURITAIRE
L’élection présidentielle du 31 octobre 2020 est une étape cruciale dans le processus de consolidation de la démocratie en Côte d’Ivoire et un rendez-vous pour évaluer le chemin parcouru par le pays vers la stabilité, la paix et la démocratie. L’élection présidentielle, organisée tous les cinq ans, est une occasion donnée à chaque électeur ivoirien, d’évaluer les programmes et l’engagement des candidats sur la démocratie, l’état de droit, les droits humains et le développement.
La Mission internationale d’observation électorale (MIOE), déployée par l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) et le Centre Carter, note que l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 a été organisée dans un environnement politique très polarisé. Le climat pré-électoral a été marqué par un profond manque de consensus entre les forces politiques et un paysage médiatique détérioré par des discours haineux, incitant à la violence et exacerbant des antagonismes régionaux. Une partie des protagonistes a ainsi préconisé le report du scrutin et privilégié un dialogue préalable, nécessaire pour dégager un consensus et lever, ainsi, les principales entraves à la poursuite d’un processus électoral apaisé.
Le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible. Le processus électoral a exclu un grand nombre de forces politiques ivoiriennes et a été boycotté par une partie de la population dans un environnement sécuritaire volatile. Plusieurs candidats n’ont pas participé à l’élection et une part importante de la population n’a pas participé à ce scrutin. Ces problèmes menacent l’acceptation des résultats par la population et la cohésion du pays.
La décision du Président sortant, de présenter sa candidature à un troisième mandat, après s’être engagé à ne pas être candidat à sa propre succession, a suscité une forte crispation au sein de la classe politique et suscité des fortes tensions au sein de la population. La légalité de sa candidature, annoncée le 6 août et validée le 14 septembre 2020 par le Conseil constitutionnel (CC), a été contestée par l’opposition sur la base des dispositions de la Constitution. Cette situation a engendré une crise pré-électorale, renforcée par des divergences sur la composition du CC et de la Commission électorale indépendante (CEI) mais aussi par le rejet de 40 des 44 candidatures à l’élection présidentielle.
L’appel à une désobéissance civile et à un boycott actif du processus électoral, par l’opposition, a fortement pesé sur les opérations pré-électorales et, notamment, sur la distribution des cartes d’électeur. La MIOE note que cette posture de l’opposition a impacté l’organisation même du scrutin avec un environnement sécuritaire volatile, ayant empêché l’ouverture de nombreux bureaux de vote.
Ce contexte électoral conflictuel a suscité l’inquiétude d’un grand nombre d’organisations internationales, notamment la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA) et l’organisation des Nations-Unies (ONU), et préoccupe toute la sous-région. En effet, une crise politique profonde, dans ce pays stratégique et central, favoriserait une déstabilisation au-delà de ses frontières, eu égard à un environnement sécuritaire fragile et dégradé ainsi que la forte interdépendance des pays de la sous-région.
ENREGISTREMENT DES CANDIDATURES
Le traitement des candidatures n’a pas permis le droit à un recours effectif
Le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, auprès de la CEI, s’est déroulé du 16 juillet au 31 août 2020 et a permis à 44 candidats de se faire enregistrer pour participer au scrutin. Dans les 72 heures, la CEI a transmis ces candidatures au CC, qui a publié immédiatement une liste comprenant les mêmes 44 prétendants, ouvrant la voie au contentieux sur l’éligibilité des candidats. Le CC a rejeté 40 candidatures ne remplissant pas les critères d’éligibilité ou présentant des incompatibilités2, et n’a retenu que quatre candidats pour concourir à la magistrature suprême. En particulier, le CC a rejeté les candidatures de Guillaume Soro et Laurent Gbagbo parce qu’ils avaient étaient radiés de la liste électorale suite aux décisions définitives des tribunaux de première instance de Korhogo et d’Abidjan respectivement.
Cependant, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire, le 15 septembre 2020 dans le cas de Guillaume Soro, de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever tous les obstacles empêchant ce dernier de jouir de ses droits d’élire et d’être élu. Le 25 septembre 2020, dans une deuxième décision relative à Laurent Gbagbo, la CADHP a ordonné de suspendre la mention de la condamnation pénale du casier judiciaire et de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles l’empêchant de s’enregistrer sur la liste électorale. Même si les décisions de la CADHP sont contraignantes, l’Etat de Côte d’Ivoire ne les a pas appliquées (cf. cadre juridique).
Bien que l’article 127 de la Constitution l’exige, la CEI n’a pas publié de liste provisoire des candidats et n’a pas procédé à la vérification des critères d’éligibilité des candidats3. Cette situation a ainsi contraint le CC, en application de l’article 56 du Code électoral, à publier la liste des candidats sans pouvoir vérifier leur éligibilité à ce stade. L’obligation imposée par la Constitution de publier la liste définitive 15 jours avant le scrutin, contredit les 45 jours prévus par le Code électoral, en l’absence d’harmonisation.
Si les candidats retenus ont pu voir leur candidature contestée, les candidats déboutés, à l’exception des ceux qui devaient compléter leurs listes de parrainage, n’ont pas pu bénéficier du droit à un recours, le CC statuant en dernier ressort, invalidant ainsi leur candidature définitivement. Cette procédure n’a pas permis de garantir le droit à un recours effectif, tel que prévu par les standards internationaux en matière d’élections démocratiques .
Les quatre dossiers jugés recevables par le CC sont ceux des candidats Alassane Ouattara du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Henri Konan Bédié du Parti démocratique de la Côte d’IvoireRassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien (FPI) et Kouadio Konan Bertin (KKB), candidat indépendant et dissident du PDCI. Sur 40 dossiers rejetés, 31 dossiers l’ont été sur la base d’une inéligibilité, d’incompatibilité ou de documents manquants, incomplets ou non conformes et les 9 dossiers restants n’ont pas récolté le nombre de parrainages suffisants.
Cinq recours ont été introduits par des candidats potentiels contre la candidature du Président Alassane Ouattara. Tous ont été rejetés soit par défaut de qualité pour agir soit sur le fonds. En effet, selon l’interprétation du CC, la « qualité pour agir » n’est attribuée qu’aux seuls candidats confirmés par le Conseil et donc à son parti. L’interprétation du CC est restrictive et critiquable. L’article 56 du Code électoral autorise tous les candidats à contester une candidature et non seulement les candidats admis à concourir. Le paradoxe de cette interprétation a amené le CC à juger concomitamment l’inéligibilité des candidats, leur qualité à agir et leur éligibilité.
Le parrainage citoyen : une procédure opaque
Le Conseil a rejeté neuf candidatures pour insuffisance de parrainages. Six candidats ont été en capacité de présenter des listes de parrainage supplémentaires ; deux candidats n’ont même pas été notifiés ; une candidate a été rejetée d’office. Le parrainage est une nouveauté introduite dans le Code électoral en 2020, qui a mis en difficulté la majorité des candidats en lice pour préparer leur candidature. Si la première phase de réception des dossiers de parrainage a été conduite de manière transparente devant la CEI, la phase de validation des parrainages
devant le CC s’est avérée opaque et, dans deux cas de figure, illisible pour les candidats . Ni les candidats potentiels, ni les partis politiques qui les ont investis, ni les observateurs nationaux et internationaux n’ont pu assister aux procédures de dépouillement, de consolidation et de validation des parrainages par le CC, structurées autour d’un comité technique ad hoc, et donc n’a pu évaluer leur transparence.
Le CC n’a pas motivé ses décisions définitives, en matière de parrainage, allant ainsi à l’encontre des dispositions de la loi organique portant sur son organisation et son fonctionnement. Dans le cas de figure où un candidat n’avait pas atteint 1% de parrains au moins dans 17 régions et districts autonomes, les candidats visés n’avaient que 48 heures pour présenter les parrainages manquants. Ce n’est qu’à la session permettant de mettre à niveau leur dossier, dans les 48 heures, que les candidats ont été informés, par le CC, des catégories, du nombre de parrains et des régions qui ne répondaient pas aux conditions de recevabilité des candidatures.
Les candidats Marcel Amon-Tanoh et Serge Djibré n’ont pas été appelés, par le CC, à compléter leurs parrainages et aucune session de rattrapage n’a été prévue pour eux. De fait, ils n’ont pas pu remettre à niveau leur dossier ou contester la décision du CC. Ce manquement de la part du CC est, à ce jour, inexplicable. Serge Djibré a adressé, le 15 septembre, une lettre au CC lui demandant de remédier à son erreur et donc de valider sa candidature. Le CC a rejeté cette réclamation se reposant sur le caractère irrévocable de ses décisions. Une candidate a vu son dossier rejeté pour n’avoir produit des parrainages que dans le district autonome d’Abidjan. Les 6 candidats restants ont été rejetés, mais ont joui de la possibilité de présenter des parrainages complémentaires. Selon le CC, les candidats indépendants Mamadou Koulibaly et Olivier Dje-Bi-Dje ont, par exemple, collecté des parrainages conformes dans 15 régions sur les 17 requises, tandis que le candidat Albert Mabri Toikeusse (UDPCI) n’aurait collecté, après rattrapage, ses parrainages nécessaires que dans 6 régions. Sans aucune motivation, difficile d’apprécier ces décisions du Conseil, alors même que les candidats rejetés déclarent avoir présenté le nombre de parrainages requis.
La controverse autour de l’éligibilité du Président Alassane Ouattara à la magistrature suprême
Les deux mois précédant le scrutin ont été marqués par la contestation de l’éligibilité de la candidature du Président sortant, polarisée autour de l’interprétation faite des Constitutions de 2000 et 2016, par la CC. Le Président Ouattara a été élu pour son premier mandat de cinq ans en 2010. Il a ensuite été réélu en 2015 sur la base de l’article 35, alinéa 1 de la Constitution de 2000 qui disposait que « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois… ». Aux termes de cet article 35, reconduit tel quel dans la Constitution du 8 novembre 2016 à l’article 55 nouveau, le Président de la République a droit à deux mandats de cinq ans. Après sa réélection, en 2015, le Président Ouattara a proposé une modification de la Constitution, approuvée par référendum, elle-même sujette à controverses. Son adoption, le 8 novembre 2016, consacre, selon la décision du CC, l’avènement de la troisième République . Cette interprétation a ouvert un débat juridique, l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution n’entrainant pas forcement l’institution d’une nouvelle République.
Le CC, pour motiver le début de ce nouveau « pacte social », fait référence à l’article 184 de la Constitution qui établit son entrée en vigueur à compter du jour de sa promulgation par le Président de la République . Selon lui, comme la Constitution ne dit pas expressément que les mandats exercés sur la base de la Constitution de 2000 doivent être pris en compte, le CC a conclu que la remise à zéro des compteurs autoriserait le Président sortant à se présenter à sa propre succession.
Cette justification ne tient pas compte de la notion de continuité législative . L’article 184 ne peut être dissocié de l’article 183 qui définit la continuité législative . C’est bien en ce sens, que ce point a été l’un des principaux griefs mis en avant pour contester l’éligibilité du Président sortant. Cette même juridiction n’a pas mentionné sa propre
jurisprudence, qui se fondait, en 2018, sur la possibilité d’appliquer le principe de continuité législative prévue à l’article 18311, faisant alors revivre une disposition de la Constitution de 2000.
Tant la constitution de 2000, que celle de 2016, limitent les candidats élus à deux mandats présidentiels au travers des dispositions identiques. Il est donc bien difficile de soutenir que ces deux textes soient contradictoires.
Les justifications apportées par le Conseil constitutionnel n’ont pas de fondements juridiques clairs ou justifiés en points de droit. Cette orientation fait écho à une tendance préoccupante, observée sur le continent africain de changer ou amender la Constitution pour permettre à des Présidents en exercice de briguer un troisième mandat.
CAMPAGNE ELECTORALE ET FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES
Une pré-campagne interdite mais favorisée par un cadre juridique incomplet
Conformément aux dispositions du Code électoral, la durée de la campagne électorale, pour l’élection présidentielle, est de 15 jours, courant du 15 au 29 octobre 2020. En dehors de cette période, l’article 32 du Code électoral dispose que « sont interdites toutes réunions électorales et toute propagande électorale par quelque mode que ce soit, en dehors de la durée réglementaire de la campagne électorale ».
La MIOE a observé des activités de « pré-campagne », organisées principalement en marge des investitures des candidats et ce, toutes tendances confondues, mais aussi au travers de visites d’État du Président de la République , de cérémonies officielles et d’inaugurations d’infrastructures. L’opposition a également organisé un grand meeting à Abidjan le 10 octobre, avant l’ouverture officielle de la campagne.
Bien que le Code électoral dispose que le recours aux moyens de l’État soit interdit en période de campagne, les observateurs de la mission ont relevé des distributions de matériel par le RHDP en présence de ministres et de cadres du parti . Ces évènements ont, par ailleurs, monopolisé les médias étatiques et, dans une moindre mesure, les médias privés. Ces activités de campagne sont contraires aux principes d’équité et d’égalité. Le cadre juridique, muet sur ces questions, mérite d’être renforcé avec un cadre normatif interdisant clairement le recours aux moyens de l’État et définissant un système de sanctions proportionné.
Une campagne terne, marquée par la violence et la désobéissance civile
La campagne électorale a été caractérisée par un manque général d’engouement, renforcé par l’appel de l’opposition, dès le 20 septembre, à la « désobéissance civile » puis à son boycott actif. Ainsi, seuls les candidats Alassane Ouattara, Président sortant, et Kouadio Konan Bertin (KKB), candidat indépendant, ont mené campagne.
La campagne d’Alassane Ouattara a bénéficié d’importants moyens humains et matériels sur tout le territoire, alors que celle de KKB a été très modeste et essentiellement menée dans des régions ciblées. Les deux autres candidats,
11 Décision N°CI 2018-008/DCC/23-08/CC/SG du 23 août 2018 du CC relative à la requête du Président de l’Assemblée Nationale. Dans cette décision, le Conseil, ayant été saisi par le Président de l’Assemblée Nationale pour statuer sur la conformité du règlement de l’institution parlementaire à la Constitution avant sa mise en application, s’est appuyé sur l’article 183 de la Constitution de 2016 pour statuer à la lumière de l’article 95 de la Constitution du 1er août 2000 sur la qualité à agir du requérant et faisant clairement « revivre » une disposition constitutionnelle antérieure.
Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan, n’ont pas fait campagne. Ils ont pour autant largement communiqué pour mobiliser leur électorat en vue d’empêcher la poursuite du processus électoral par tous les moyens légaux.
Cependant, cet appel à la désobéissance civile a engendré des actes de violences et causé des destructions que la mission déplore. La MIOE regrette également que l’administration électorale ait été visée par des violences et des destructions, en vue d’empêcher la CEI de distribuer les cartes d’électeur et elle condamne les incidents et les violences qui ont emmaillé le processus électoral, faisant au moins 30 morts (survenus notamment à Dabou, Bongouanou, Bonoua, Daoukro, Divo, Gagnoa) et de nombreux blessés.
Financement des partis et de la campagne : manque de transparence et faible application des dispositions légales
Les lois précisant les modalités de financement des partis politiques et de la campagne électorale ne sont pas suffisamment détaillées et, en particulier, appliquées. La loi n°2004-494 du 10 septembre 2004 précise le mode de financement des partis politiques, jusqu’alors peu réglementé. Son application reste limitée, en raison de lacunes sur la traçabilité des fonds, de l’absence de plafonnements, d’un système de sanctions faible et d’un remboursement a posteriori des dépenses de campagne. Ces lacunes engendrent un traitement disparate du financement public et privé de la campagne.
La subvention annuelle allouée aux partis et groupements politiques, pendant leur quinquennat, se fonde sur les suffrages obtenus, le nombre de sièges acquis et le nombre de membres de chaque groupe parlementaire. Cependant, la MIOE note que, pour l’année 2020, les partis n’ont reçu qu’un financement sur la base des suffrages obtenus, sans d’avantage de précisions, en l’absence de l’installation de la commission prévue pour définir ces modalités de financement et celui de la campagne électorale. En outre, le décret d’application afférant n’a jamais été adopté. Enfin, bien que la loi prévoie que les partis et groupements politiques communiquent un rapport annuel à la Cour des comptes, cette disposition n’a pas été appliquée dans les faits, rendant ainsi opaque l’utilisation de ces fonds. Il en va de même pour le financement privé des partis politiques.
Les candidats à l’élection présidentielle bénéficient d’une subvention exceptionnelle, qui aurait dû être inscrite dans la loi de finance 2020 ; tel n’a pas été le cas. En outre, les dépenses de campagne, pour leur part remboursables, ne sont pas plafonnées et le contrôle de l’origine et de la nature des financements n’est pas prévu.
La faiblesse de ces dispositions et leur non-application amène la MIOE à s’interroger sur l’égalité des chances offerte à tous les candidats et sur l’origine des fonds utilisés, en conformité avec les obligations internationales en la matière .
CADRE JURIDIQUE DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE
Le cadre juridique de l’élection présidentielle est régi par la Constitution de 2016, telle qu’amendée le 19 mars 2020 et le Code électoral tel que modifié en 202018. Il est complété par d’autres textes, tels que la loi sur les partis politiques de 1993 et la loi de 2004 portant sur le financement des partis et groupements politiques et de la campagne électorale ainsi que les différents décrets présidentiels et arrêtés pris par la CEI.
En dépit de tous ces textes qui organisent les élections, le cadre juridique reste lacunaire. De plus, la Constitution et le Code électoral présentent des dispositions qui n’ont pas été harmonisées qui ne précisent pas, notamment, les modalités d’établissement de la liste définitive des candidats et le contentieux y afférent. Les dispositions relatives à plusieurs aspects des élections et de la campagne sont insuffisamment encadrées ou absentes, dont la réglementation des activités de pré-campagne, l’interdiction de recourir aux moyens de l’État, le contrôle du financement public et privé, celui de la campagne électorale, la procédure relative à l’ordre d’apparition des candidats sur le bulletin de vote ou encore les modalités de retrait d’un candidat de la liste définitive.
Adoption du Code électoral, en 2020, par ordonnance
Depuis l’avènement de la deuxième République, marqué par l’entrée en vigueur de la Constitution de 2000, l’adoption et la révision du Code électoral relèvent du domaine de la loi. Cependant, ledit Code a été modifié en 2018 et 2020 par ordonnance. Bien que le Président puisse prendre des mesures par ordonnance, selon l’article 106 de la Constitution, la MIOE rappelle que légiférer par ordonnance sur une matière relevant du domaine de la loi n’est prévu, qu’après adoption préalable d’une loi d’habilitation adoptée par le parlement. En outre, le préambule de l’ordonnance modifiant le Code électoral vise respectivement la loi sur l’état d’urgence et celle
portant budget de l’État pour l’année 2020. Pour la première, aucune disposition n’autorise à légiférer par ordonnance ; la loi portant budget de l’État, quant à elle, n’autorise le Président à prendre des mesures par ordonnance, qu’en matières économique et financière.
La pandémie de COVID 19 et l’état d’urgence permettant de la contenir, ont servi de soubassement pour justifier d’une modification de la loi électorale par ordonnance . Ces modifications intervenues par ordonnance n’ont pas fait l’objet d’un consensus politique. Conformément au Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), toute modification d’une loi électorale, dans les six mois précédant un scrutin, doit recueillir le consentement préalable d’une large majorité des acteurs politiques. Ce qui n’a pas été le cas.
Normes et obligations internationales et respect de la justice internationale
Le cadre juridique ivoirien, relatif à l’organisation des élections, est conforme aux textes internationaux et régionaux en la matière, que la Côte d’Ivoire a ratifié.
Néanmoins, la République de Côte d’Ivoire devrait être particulièrement sensible au respect des décisions de la justice internationale et, notamment, des récents arrêts de la Cour africaine de droits de l’homme et des peuples (CADHP) relatifs à la recomposition de l’administration électorale et au droit d’élire et d’être élu. La Côte d’Ivoire a engagé, le 29 avril 2020, l’instrument de retrait de sa déclaration par laquelle elle accepte la compétence de la CADHP pour recevoir les requêtes émanant d’individus ou d’organisations non gouvernementales (ONG). Pour autant, la CADHP a confirmé sa compétence dans l’affaire Suy Bi Gohore Émile contre la République de Côte d’Ivoire du 15 juillet 2020. En effet, ce retrait ne prendra effet que le 30 avril 2021 . En conclusion, les arrêts de la Cour s’imposent à la Côte d’Ivoire, qui a obligation de les mettre en œuvre.
Les libertés publiques ont souffert des restrictions en dépit des garanties constitutionnelles
L’article 20 de la Constitution garantit la liberté d’association, de réunion et de manifestations pacifiques. Le gouvernement a pourtant interdit des marches, des sit-in et des manifestations sur toute l’étendue du territoire, du 19 août au 14 octobre 2020, au travers de trois arrêtés interministériels. Ces arrêtés se sont appuyés sur l’état d’urgence entré en vigueur le 23 mars 2020 et non reconduit depuis le 13 mai 2020. L’obligation de déclaration préalable de manifestations ne saurait être soumis au pouvoir discrétionnaire de l’autorité de l’Etat. En conséquence, ces restrictions n’ont pas permis à l’opposition de jouir pleinement de ces libertés fondamentales.
Dans le même esprit, ces interdictions ont été, par la suite, prolongées jusqu’au 1er novembre 2020, à l’exception des manifestations organisées dans le cadre de la campagne électorale. La MIOE note que le renvoi à l’état d’urgence n’est plus mentionné dans les arrêtés publiés et ainsi s’interroge sur son fondement juridique. Encore plus, la mission note que ces dispositions ne désignent pas les autorités qualifiées pour autoriser ou non une manifestation et pour quels motifs.
ADMINISTRATION ELECTORALE
Une administration électorale au cœur d’une crise de crédibilité
La Commission électorale indépendante (CEI) est une autorité administrative permanente et constitutionnalisée, jouissant de la qualité de personne morale et d’une indépendance financière, consacrées par la Constitution, le Code électoral et de la loi portant sur sa composition, son organisation, ses attributions et son fonctionnement. Elle bénéficie, ainsi, de pouvoirs réglementaires élargis, lui permettant de préciser les modalités d’application de la loi, d’en tirer des consignes opérationnelles claires et de communiquer sur chaque étape du processus électoral, notamment sur le bilan de l’enrôlement, la distribution des cartes d’électeurs ou encore les dernières modalités opérationnelles mises en place en prévision du scrutin.
La composition de la CEI devrait garantir une représentativité des différentes forces politiques en présence et assurer un équilibre politique et administratif en son sein. Cependant, la loi portant composition organisation,
attributions et fonctionnement de la CEI souffre de modifications récurrentes, dont la dernière est encore intervenue en avril 2020.
En effet, l’équilibre prévu par le cadre juridique est régulièrement brouillé. Par exemple, les représentants de l’opposition ont rejoint la majorité présidentielle mais sont toujours comptabilisés comme représentants de l’opposition. En outre, l’opposition propose quatre personnalités au Ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation (MATED), qui établit la liste finale pour validation en Conseil des ministres24. Cette disposition a engendré un refus de l’opposition de faire prêter serment au membre présenté par le PDCI. Enfin, plus récemment, l’appel à boycotter le processus lancé par l’opposition a entraîné le retrait des représentants de l’AFD et du MP de la plénière.
Le déficit de crédibilité dont souffre l’institution est aggravé par les accusations récurrentes d’orientations partisanes du président de la CEI et de la place prépondérante laissée au vice-président, nommé par le chef de l’État. La CADHP, saisie sur cette problématique, a ordonné ainsi au travers de son arrêt en date du 15 juillet 2020, d’élargir la représentativité de l’opposition et de procéder à de nouvelles élections aux niveaux des démembrements. Bien que partiellement appliqué, cet arrêt n’a pas permis de répondre aux blocages politiques au sein de la CEI.
Les commissions déconcentrées de l’administration électorale, structures provisoires, sont au nombre de 576, réparties à tous les niveaux du découpage territorial et administratif, dans les régions (31), les départements (82), les sous-Préfectures (387), les communes (58) et, enfin, dans les 18 représentations diplomatiques. Avec huit membres proposés, dont un par l’administration territoriale déconcentrée, quatre par les partis d’opposition et trois par la majorité, les Commissions électorales déconcentrées souffrent des mêmes difficultés de représentativité et de participation des différentes composantes politiques du pays, qu’au niveau central. Ces dernières fonctionnent ainsi, à ce jour, avec cinq membres, trois partis de l’opposition (PDCI, AFD, MP) n’ayant pas participé aux activités pré-électorales et électorales. Les observateurs de la MIOE ont pu rencontrer, dans 17 des 33 régions et districts autonomes du pays, 273 présidents de CEL. Parmi ceux-ci, il est à noter la surreprésentativité de présidents proposés par le RHDP, représentant 97% d’entre eux, avec seulement 1% de présidents proposés par le LMP et 2% issus du RDGP-Paix. La mission note qu’aucun président de CEL n’est issu du PDCI ou de l’UDPCI.
Recrutement et formation des agents électoraux
La CEI s’appuie sur un vivier de fonctionnaires d’Etat, en majorité composé d’enseignants du primaire et du secondaire. En fonction de leur lieu d’affectation, ces derniers se sont vu attribuer des tâches pyramidales de formateurs régionaux ou départementaux et de superviseurs de lieux de vote.
Les formations ont suivi ce même schéma en cascade, du 19 au 30 octobre 2020, dans les régions puis au niveau des Commissions électorales locales (CEL), pour un total de 66 405 membres des bureaux de vote (MBV). La mission a noté des difficultés dans la formation des MBV, avec des points à renforcer, en particulier sur les opérations de clôture, de dépouillement et de centralisation des résultats. Cependant, ces lacunes ont été globalement contrées par le bon niveau de compétence des agents superviseurs et des membres de bureaux de vote. Ainsi, les observateurs d’EISA/Centre Carter ont évalué positivement l’organisation du vote dans 81% des BV observés et de façon correcte dans 15% des cas ; seuls 2% des personnels électoraux ont été évalués comme ne maîtrisant pas suffisamment les procédures à appliquer.
Lieux et bureaux de vote
La cartographie de l’élection prévoit 10 815 lieux de vote (LV), dont 10 759 LV sur le territoire national et 56 à l’étranger pour un total de 22 381 BV, soit 22 135 BV sur le territoire national et 246 à l’étranger. Cette couverture territoriale permet à tous les électeurs d’être rattachés à un BV accessible. S’agissant du nombre d’électeurs inscrits, bien que le Code électoral prévoie moins de 600 électeurs par BV, en pratique la CEI a tenté de les limiter à 450 électeurs, permettant de faciliter le déroulement du vote et du dépouillement.
Sensibilisation, éducation civique et communication
Une campagne de communication a été faite au travers d’affichages visibles sur les grandes artères urbaines et de spots sur les radios nationales et locales, sensibilisant les électeurs sur leur participation au scrutin et sur le besoin de maintenir un environnement électoral apaisé. La CEI a organisé une campagne d’éducation civique sur l’ensemble du territoire au travers d’un réseau d’organisations de la société civile (OSC) mobilisé, dans un premier
temps pour l’enrôlement des électeurs, puis pour 15 jours en octobre 2020, s’appuyant sur les mêmes objectifs de participation et d’élections apaisées. Enfin, la mise en place, par la CEI avec l’appui du PNUD, d’un centre média dont l’objectif était de maintenir un vivier de journalistes relais de l’information électorale, ne s’est pas concrétisée.
ENREGISTREMENT DES ELECTEURS
La CEI a, notamment, pour mission de maintenir un fichier électoral national à jour, au travers de révisions annuelles. Issu des recommandations de l’accord politique de Ouagadougou (APO) signé le 7 mars 2007, le fichier électoral source a été abouti en 2010, à l’issu d’un travail complexe d’audiences foraines, de reconstitution des registres d’état civil, d’enrôlement biométrique, puis de recoupement avec une dizaine de fichiers nationaux. Cet exercice a permis de dégager un premier fichier constitué de 5 277 392 électeurs, représentant alors approximativement 65% de la population cible de 2010.
Bien que la loi prévoie une révision annuelle, la CEI a cependant été confrontée à des limitations budgétaires, le gouvernement ne lui permettant pas de conduire ce travail en dehors des années où un scrutin était planifié. Ainsi, des opérations de révision sont intervenues en 2015, 2016, 2018 et enfin 2020. En dépit de ces restrictions, la CEI a réussi, entre 2010 et 2018, à maintenir un taux d’enrôlement autour de 60 à 65% de la population cible. Ces révisions permettent de garantir un taux d’inscription relativement homogène d’une élection à l’autre, permettant de rattraper régulièrement le taux de croissance démographique annuel de la population cible estimé à 2,6%.
Les opérations de révision de 2020 ont débuté le 10 juin et ont perduré jusqu’au 5 juillet 2020, après deux prolongations successives. Elles ont ainsi permis à 1 711 855 personnes de solliciter leur inscription sur toute l’étendue du territoire et sur 18 représentations diplomatiques à l’étranger. La CEI a, par la suite, travaillé sur les données des électeurs pour garantir i) l’unicité des électeurs, en procédant à 52 534 dédoublonnages principalement retirés des listes de 2018, ii) la qualité d’électeur en radiant 763 électeurs déchus de leurs droits civiques et politiques. En outre, 7 779 demandeurs se sont vu refuser la délivrance de cartes d’électeur car ne remplissant pas les conditions. S’agissant de la radiation des électeurs décédés, la CEI s’est fondée sur la base de données fournie par le MATED en radiant 8 073 des 34 380 électeurs communiqués par le ministère. La MIOE note que la suppression des électeurs décédés, opérée par la CEI, reste très faible, représentant moins de 5% des électeurs potentiellement décédés depuis 2018. 95% seraient donc toujours présents dans le fichier électoral.
La qualité du fichier électoral ne saurait être appréciée, sans pouvoir comparer ses données désagrégées à celles de la population électorale cible. A ce jour, la CEI refuse de communiquer sur des données détaillées du fichier électoral et l’Institut national des statistiques (INS) n’a pas publié non plus de données détaillées sur les populations cibles de 18 ans et plus, par âge et par sexe et par région, ne permettant pas de rapporter le fichier électoral à sa population cible. La MIOE note une transparence mitigée des institutions sur ce sujet. L’analyse de la qualité des données biométriques et alphanumériques collectées n’a pas été possible. La complétude des informations des électeurs, la garantie que chaque électeur ne soit inscrit qu’une fois ou encore le travail de radiation des électeurs décédés sont autant d’éléments qui ne peuvent pas être évalués. En dépit de demandes formulées par la classe politique, la CEI refuse toujours de faire procéder à un audit externe du fichier et ne communique pas sur des données détaillées du fichier électoral.
Le contentieux des listes a permis à un large nombre de requérants de faire valoir leurs droits. Ainsi, 13 307 requêtes ont été traitées en premier et dernier ressort, avec un taux d’acceptation élevé de 70,69%. Ces requêtes concernaient tant des demandes de rectifications des données personnelles des électeurs (6 709), que des déclarations d’omission (5 969) ou enfin des demandes de radiations contestant la majorité ou la nationalité d’un électeur indûment inscrit, mais aussi dans le cadre de signalement de décès (629).
In fine, le fichier électoral atteint 7 495 082 d’électeurs inscrits dans le fichier électoral actualisé de 2020. Le travail réalisé par la CEI présente la plus forte croissance observée sur les listes électorales depuis la création du fichier, en 2010, atteignant aujourd’hui 70,40% de la population électorale cible.
Ce fichier électoral comprend 48,65% d’électrices et 51,35% d’électeurs (7 397 413 en Côte d’Ivoire / 97 669 à l’étranger). Il correspond tout à fait à la tendance officielle relevée dans le recensement général des populations et de l’habitat (RGPH) de 2014 qui indiquait 48,65% de femmes pour 41,7% d’hommes. La MIOE insiste, cependant, sur le fait que le RGPH intègre de nombreux travailleurs migrants, autour de 6 millions de personnes, qui faussent le rapport hommes-femmes, qui devrait toujours donner une légère prépondérance à la représentativité des femmes dans la population. Le ratio de masculinité atteint par le fichier électoral est donc conforme, avec 105, contre 107 tel qu’officiellement communiqué pour 2014 dans le dernier RGPH. En comparaison avec les derniers exercices de révision, celle de 2020 a permis d’augmenter la population électorale de 1,14%, l’une des plus fortes croissances depuis 2010, pour autant toujours en deçà des 2,6% du taux de croissance démographique annuel.
Au vu de ces éléments, la demande récurrente de l’opposition de pouvoir réaliser un audit international du fichier électoral ivoirien permettrait effectivement de déterminer, avec précision, si les listes électorales sont représentatives des populations de chaque département, des rapports hommes-femmes dans la population ou encore des catégories d’âges des électeurs cibles.
Distribution des cartes d’électeur
La CEI s’est engagée dans une impression de l’ensemble des cartes d’électeurs pour tous les 7 495 082 inscrits. En effet, les cartes d’électeurs ont une durée de vie d’un cycle électoral et doivent donc être toutes réimprimées pour chaque nouveau cycle. La distribution a été planifiée, dans tous les lieux de vote, du 14 au 25 octobre. Eu égard aux tensions politiques observées et au « boycott actif » exercé contre la distribution des cartes d’électeurs, cette phase s’est avérée complexe pour les démembrements de la CEI.
Le taux de délivrance final présenté par la CEI s’élève à 41,15%. Bien que faible, il n’a pas eu d’impact sur la participation des électeurs au scrutin, ces derniers pouvant retirer leur carte au niveau du lieu de vote ou du bureau de vote le jour du scrutin . En outre, la seule présentation de la carte nationale d’identité (CNI) permet d’exercer son droit de vote, sans que la carte d’électeur soit indispensable. De fait, ces difficultés de délivrance n’ont pas pesé sur les opérations de vote le jour du scrutin. En effet, dans 89% des BV observés, le jour du scrutin, la distribution des cartes d’électeurs a pu être réalisée. Dans 82% des cas, elle était conforme aux procédures arrêtées par la CEI. Les cartes d’électeur ont ainsi pu être distribuée soit au niveau des BV, dans 69% des cas ou au niveaux des LV, dans 20% des cas. Il est important de noter que le recours à la CNI pour justifier de sa qualité d’électeur a bien été appliquée par défaut, pour les électeurs n’étant pas détenteurs d’une carte d’électeur.
MEDIAS ET RESEAUX SOCIAUX
Le paysage médiatique ivoirien est assez diversifié et varié. La communication est structurée principalement autour de la presse (écrite et numérique), la radio et la télévision (publiques et privées). L’espace audiovisuel qui était le monopole de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) a été libéralisé. Plusieurs chaines de télévisions privées ont été autorisées à émettre (A+ Ivoire, Life TV, 7 Info et la Nouvelle Chaine Ivoirienne).
Pour de nombreux observateurs de l’espace médiatique, ces nouvelles chaines de télévisions restent sous le contrôle de personnalités proches du pouvoir. La loi N° 2017-867 du 27 décembre 2017 portant régime juridique de la presse organise la presse, dépénalise les délits de presse et encadre la pratique du métier de journaliste. De façon générale en Côte d’Ivoire, les médias sont rattachés à des partis ou des hommes politiques. Entre 2017 et 2020, une dizaine de journalistes a été interpellé en Côte d’Ivoire et condamnés à des sanctions financières qui sont en réalité, des instruments de coercitions très forts.
La HACA (Haute autorité pour la communication audiovisuelle) est chargée de la régulation des secteurs de l’audiovisuel (radio et télévision). L’Autorité nationale de la presse (ANP) est en charge de la régulation de la presse écrite et de la presse en ligne. Dans le domaine des élections la HACA et l’ANP ont pour rôle de s’assurer d’un égal accès des candidats aux médias. Cependant, les médias d’Etat restent sous le contrôle du parti au pouvoir.
Les acteurs politiques et les Ivoiriens, en général, interagissent de plus en plus à travers les médias en ligne qui sont devenus un enjeu de pouvoir et, pour l’opposition, le principal outil de propagande. En effet, tout au long du processus électoral, l’opposition et le parti au pouvoir ont utilisé ce canal pour informer et diffuser des mots d’ordre à leurs partisans.
Il a été observé que les partis politiques, toutes tendances confondues, organisent à travers des réseaux de cyber activistes la diffusion massive d’informations haineuses ou dangereuses. Il a aussi été observé, sur les médias en lignes, que les pages de certains militants des partis politiques propagent énormément des messages dangereux et haineux. Pour la mission, ces messages ont exacerbé le climat politique et incité les populations à la violence.
L’équipe de la MIOE a monitoré plus de 9000 « posts » Facebook. L’analyse a révélé une polarisation claire sur les réseaux sociaux avec, d’une part, les partisans du RHDP pour la tenue de l’élection présidentielle le 31 octobre
2020, et d’autre part les internautes proches de l’opposition opposés à la tenue de ce scrutin. La Mission a observé
des discours de haine et dangereux ainsi qu’une campagne de désinformation sur les réseaux sociaux. Les pages officielles des partis et des candidats n’ont jamais diffusé de discours de haine.
Les discours de haine et les discours dangereux, observés par la mission, ont porté, dans la majorité de cas, sur des questions liées à l’appartenance ethnique et à la nationalité. Les publications, généralement publiées par les avatars dans des groupes, ont suscité des réactions très orientées politiquement. Par ailleurs, les campagnes de désinformation ont porté essentiellement sur des propos attribués à des personnalités politiques. Des informations, souvent non-vérifiables, ont été partagées, notamment par l’avatar Chris Yapi, qui demeure très suivi.
PARTICIPATION DES FEMMES
place. Sur 44 dossiers de candidature
et aucune candidate n’a été retenue par
à l’élection présidentielle, seulement trois étaient des femmes
le CC .
Malgré la ratification des principaux instruments internationaux en matière de droits des femmes, dans les sphères décisionnelles et politiques en Côte d’Ivoire, les femmes peinent à se faire une (soit 6,81%)
Le préambule de la Constitution de 2016 consacre pour la première fois le principe de l’égalité hommes-femmes et sa déclinaison dans divers domaines (parité dans le marché de l’emploi, participation politique et lutte contre les violences faites contre les femmes). Une autre avancée, encore perfectible, est représentée par l’adoption de la loi n°2019-870 introduisant un quota de 30% de femmes et une certaine alternance au niveau des listes des candidats pour tous les postes électifs26 à partir des prochaines élections.
Contrairement aux objectifs internationaux d’atteindre au moins 30% de femmes au sein des institutions, seulement 12% de femmes siègent à l’Assemblée nationale , 19,2% au Sénat, 3% dans les conseils régionaux avec une seule femme présidente et 7% dans les conseils municipaux. La plénière de la CEI compte 25% de femmes (soit 4 femmes sur les 16 membres). Même si variée, leur présence est plutôt faible au sein des commissions électorales locales et des organes dirigeants des partis. Peu de partis politiques priorisent la question du genre dans leurs statuts et les femmes sont rarement intégrées dans les organes décisionnels. Si les observateurs de la MIOE ont relevé que 77% des BV comportaient au moins une femme, celles-ci ne présidaient que dans 7,6% des cas.
PARTICIPATION DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
La Cote d’Ivoire a ratifié en 2014 la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapés (CDPH). La qualité d’électeur des personnes handicapées est un droit protégé et elles sont impliquées dans le processus électoral. Les coordonnateurs des associations des personnes en situation d’handicap (CAPH-VB), qui compte neuf associations, ont bénéficié d’une formation sur l’observation électorale du 8 au 12 septembre 2020. Selon l’article 37 du Code électoral, l’électeur ayant un handicap physique, peut se faire assister de tout électeur de son choix. Selon les observations de la MIOE cette procédure a été généralement respectée le jour du scrutin.
Toutefois, les électeurs en situation de handicap n’ont pas pu avoir accès à des bulletins de vote tactile en Braille. Enfin, seulement 70% des BV visités, le jour du scrutin, était accessible aux personnes à mobilité réduite.
OBSERVATION NATIONALE ET INTERNATIONALE
L’observation nationale et internationale n’est pas prévue par le Code électoral. Toutefois, la CEI a mis en place des critères et une procédure d’accréditation qui se sont révélés lourds et bureaucratiques. De plus, la CEI a octroyé des accréditations qui concernaient des phases spécifiques du processus électoral, par exemple seulement pour la période d’enregistrement des électeurs ou à partir du début de la campagne électorale jusqu’à la publication des résultats définitifs. Malheureusement, ces limitations ont rendu difficile le travail des observateurs de la MIOE, certaines Commission locales refusant de les recevoir, dont celle de San Pedro, ce qui a ralenti sensiblement la collecte d’informations essentielles dans le cadre de l’observation. Dans un souci de transparence la MIOE encourage la CEI à définir des lignes directrices claires pour permettre d’observer, sans entraves, toutes les étapes du processus, conformément aux engagements et les bonnes pratiques internationales en matière d’élections démocratiques auxquelles la Côte d’Ivoire a adhéré.
26 Les postes électifs sont : députée, sénatrice, conseils régionaux, conseils de district et conseils municipaux.
Plus des 10 000 observateurs ont été annoncés être accrédités par la CEI. Plusieurs plateformes nationales ont été accréditées par le CEI telles que la Plateforme des organisations de la société civile pour l’observation du processus électorale en Côte d’Ivoire (POECI) ; le Programme transition et inclusion politique (PTI) ; l’Initiative de dialogue et recherche Action pour la paix (INDIGO) ; la Coalition de la société civile pour la paix et le développement démocratique en Côte d’Ivoire (COSOPCI), le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) pour suivre les différentes étapes du processus. Le jour du scrutin, les observateurs de la MIOE ont rencontré des observateurs nationaux dans 26% des bureaux de vote visités.
La CEI a accrédité également plusieurs de missions d’observation électorales internationales de court-terme et, notamment, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) avec 90 observateurs, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) comptant 11 membres, de l’Union Africaine (UA) qui a déployé 40 observateurs, du West Africa Network for Peacebuilding (WANEP) et de la mission d’experts de l’Union européenne (MEE UE) constituée de quatre personnes. La MIOE d’EISA/Centre Carter a été la seule mission internationale de longue durée présente en Côte d’Ivoire.
OBSERVATION DU SCRUTIN
EISA et le Centre Carter ont déployé 17 équipes d’observateurs, dont 16 ont pu effectivement observer sur le terrain pendant la journée du scrutin. Ces équipes ont observé les opérations d’ouverture et de vote, dans 213 bureaux de vote (BV). La couverture du territoire national a permis d’observer dans 17 des 33 régions et districts autonomes.
Même si les membres des bureaux de vote (BV) ont généralement suivi les procédures de vote, dans la plupart des BV observés, le vote a eu lieu dans un environnement fortement problématique n’ayant pas permis un scrutin compétitif.
Le scrutin a été marqué par une contestation et un boycott actif des activités, sur une partie du territoire, impactant ainsi plus ou moins le vote, en fonction des régions. Dans les régions où la MIOE a observé, un nombre minimum de 1 052 BV n’ont jamais pu ouvrir le jour du scrutin.
Régions où la situation sécuritaire a été peu impactante sur le scrutin
Dans 11 des 17 régions où ont été déployés des observateurs, soit Poro, Loh-Djiboua, San-Pedro, Cavally, Tchologo, Agneby-Tiassa, Hambol, Tonkpi, Haut-Sassandra, Abidjan et Guémon, les conditions nécessaires étaient réunies pour organiser, dans un calme relatif, le scrutin. Bien que des évènements disparates aient été relevés dans ces régions, ils n’ont pas impacté le vote de manière significative.
• Ainsi, dans les régions de Poro et Tchologo, l’administration électorale confirme à nos observateurs que 100% des BV ont pu ouvrir le jour du scrutin.
• Dans la région de Tonkpi (département de Sipilou), une attaque à la machette est intervenue dans deux BV et les urnes ont été volées ; dans le département de Man, les isoloirs de tout le département ont été incendiés au niveau de la Commission électorale locale (CEL), nécessitant de recourir à des isoloirs de fortune.
• Dans la région de Cavally, le processus a été perturbé par des incidents disparates, ayant empêché l’ouverture de 53 BV le jour du scrutin.
• Dans la région de Loh-Djiboua (département de Lakota), des barrages installés dans la matinée ont ralenti l’ouverture des bureaux, sans pour autant compromettre le processus.
• Dans le district autonome d’Abidjan, des évènements sporadiques ont été observés ou constatés, notamment à Blockhauss, Bingerville et Yopougon, s’agissant de barrages ou d’altercations avec des groupes de jeunes. A Yopougon, 9 BV n’ont pas pu ouvrir pour le scrutin.
• Dans la région d’Agneby-Tiassa, des troubles ont empêché la tenue du scrutin, dans 17 BV sur l’ensemble du territoire.
• Dans le Haut-Sassandra (département de Daloa), le centre-ville de Daloa s’est avéré calme et propice au vote, mais les zones rurales ont fait l’objet d’incidents récurrents, comme à Sapia, Bouali, Boludughé et Boguedia où le vote a été empêché dans un nombre limité de BV (4 sur les 84 observés par nos observateurs) sans que l’administration électorale ne souhaite communiquer sur des chiffres consolidés pour la région.
Régions où la situation sécuritaire a impacté le scrutin
Dans 6 régions où ont été déployés des observateurs d’EISA/Centre Carter, la situation sécuritaire a fortement impacté les opérations de vote et donc, la participation des électeurs : Sud-Comoé, Gbèkè, Yamoussoukro, Bélier, Marahoué et la Mé.
• Dans la région du Sud-Comoé (sous-préfecture de Bonoua), 13 lieux de vote (LV) sur 28 n’avaient toujours pas pu ouvrir à la mi-journée. Une situation sécuritaire dégradée a, en effet, prévalu tout au long du scrutin. Ainsi, 10 LV n’ont jamais pu ouvrir, sept d’entre eux n’ayant pu recevoir le matériel électoral et trois ayant été saccagés. Au total, 59 BV sur 119 n’ont jamais pu ouvrir, pour permettre aux électeurs d’exercer leur droit civique. Dans les autres départements du Sud-Comoé, 42 BV n’ont pas pu ouvrir.
• Dans la région de Gbèkè (département de Sakassou), le vote n’a pu se dérouler qu’en centre-ville, 128 BV implantés en zone rurale n’ont jamais pu ouvrir du fait d’incidents. Dans cette même région, dans le département de Béoumi (sous-Préfectures de Bodokro, Kondrobo, Sakasou et Andokekrenou) 131 BV n’ont pas pu ouvrir sur 187 ; dans le département de Bouaké (sous-Préfectures de Botro et Bouaké), a contrario, la grande majorité des BV a pu ouvrir, sans que leur nombre précis n’ait pu encore être réconcilié à ce jour.
• Dans le district autonome de Yamoussoukro, la situation s’est avérée très tendue la veille et le jour du scrutin, avec des barrages, des coups de feu et des intimidations récurrentes de jeunes à moto munis de machettes. Cet environnement dégradé n’a pas permis à 276 bureaux de vote d’ouvrir sur 359 soit 77% des bureaux du district.
• Dans la région de Bélier (département de Tiébissou), 113 des 139 BV sont restés fermés toute la journée. En outre, sur les 26 BV restés ouverts, seuls 22 ont pu centraliser des résultats, 4 d’entre eux ayant été saccagés.
• Dans la région de Marahoué (département de Bouaflé), des retards ont été observés pour l’ouverture du scrutin, du fait de barricades. A la fin de la journée, 119 BV n’avaient toujours pas pu ouvrir, particulièrement en zone rurale.
• Dans la région de la Mé, la situation sécuritaire dégradée a empêché d’organiser le vote dans 97 des 236 BV.
Environnement général observé par la MIOE – impact sur le scrutin
Ouverture des bureaux de vote
Les observateurs de la MIOE ont observé les opérations d’ouverture dans 15 des 33 régions et districts autonomes du pays. La situation très tendue à Yamoussoukro n’a pas permis d’observer le matin du scrutin. De manière générale, la situation sécuritaire a entraîné de nombreux retards dans l’ouverture des BV ou les , qui ont pesé sur le respect des procédures d’ouvertures prévues par la CEI. En effet, les retards observés ont précipité les membres des bureaux de vote pour ouvrir les bureaux au plus vite, sans respecter tous les points de procédure.
Retards observés à l’ouverture
Dans 10 des 15 régions observées, des retards raisonnables ont été relevés pour l’ouverture des BV, le temps que les forces de l’ordre assistent les membres des bureaux de vote (MBV) pour sécuriser les opérations. De fait, seuls 54% des BV ont ouvert à l’heure légale, soit 8h, 26% dans les 30 minutes, 11% avec une heure de retard et 9% ont ouvert avec plus d’une heure de retard. Cette observation ne porte, bien sûr, que sur les BV ouverts et observés le jour du scrutin.
Environnement général
Des files d’attente ont été observées, à l’ouverture, dans 66,66% des BV visités. En effet, les retards observés ont nécessité de mettre en attente les électeurs. Pour autant, l’environnement immédiat des BV a permis de conduire l’ouverture dans de bonnes conditions, dans 100% des cas. Les forces de l’ordre étaient systématiquement présentes, à l’extérieur, et ont positivement garanti la sécurité des opérations dans 82% des cas. Dans 100% des BV observés, au moins un représentant des partis politiques était présent.
Procédures d’ouverture
Les procédures prévoyaient que les MBV soient présents dès 7h du matin. Eu égard aux conditions sécuritaires, nombre d’entre eux ont préféré attendre les forces de l’ordre. Ainsi, seulement 66,7% des MBV étaient à l’heure.
Les opérations d’ouverture ont été généralement respectées, comme suit : i) le tirage au sort de l’emplacement de l’hologramme a été fait dans 73% des cas, ii) l’urne vide a été présentée à toutes les personnes présentes dans 80% des BV, iii) l’urne a été scellée correctement dans 86% des cas et iv) les n° de scellés ont été consignés dans le PV dans 73% des BV visités. La procédure des opérations d’ouverture a été nettement moins respectée que pendant la journée, du fait des retards observés et de la nécessité, pour les MBV, de rapidement ouvrir les bureaux.
Opérations de vote
Seize équipes d’observateurs de la MIOE ont observé les opérations de vote dans 17 des 33 régions et districts autonomes de la Côte d’Ivoire. Elles ont ainsi pu évaluer le vote dans 198 bureaux à travers le pays et tout au long de la journée électorale.
Organisation générale des bureaux de vote
Les observateurs de la MIOE ont pu accéder librement à 95% des BV observés et ouverts.
Le nombre d’électeurs inscrits dans les BV correspondait aux mesures mises en place par la CEI, oscillant de 98 à 465 électeurs inscrits, bien en deçà des 600 électeurs maximum prévus par le Code électoral. Dans 97% des BV visités et ouverts, l’environnement général a été observé comme propice au vote.
Les forces de l’ordre étaient présentes dans 97% des BV visités, avec 87% d’évaluations positives. Dans 2,5% BV, seulement, elles n’étaient pas présentes. Dans 3 % des cas, les observateurs ont noté une difficile gestion de l’ordre.
Trois MBV étaient bien présents, conformément aux procédures, dans 94% des BV observés. A défaut, au moins 2 membres étaient toujours présents et le vote a donc pu se dérouler dans les 6% restants. 77% des BV comptaient au moins une femme, mais les femmes présidaient seulement 7,6 % des BV. 30% des BV n’étaient pas accessibles aux personnes à mobilité réduite au vu de la configuration.
Distribution des cartes d’électeur
Dans 89% des BV observés, la distribution des cartes d’électeurs a pu être réalisée. Dans 82% des cas, elle était conforme aux procédures, seuls deux cas d’interférence des représentants des partis politiques ayant été observés. Les cartes d’électeur ont ainsi pu être distribuées : i) au niveau du BV (69%) ou ii) au niveau du LV (20%) tel que prévu par la CEI, qui avait décidé que, dans les lieux de vote ou moins de 50% des cartes avaient été distribuées au 25 octobre, celles-ci devraient faire l’objet d’une délivrance au niveau du lieu de vote. Cependant, la MIOE tient à signaler, que dans 11% des BV observés, aucune distribution des cartes d’électeurs n’a pu être réalisée. Ce point est cependant à relativiser, car les électeurs ont correctement été autorisés à voter sur présentation de leur seule carte nationale d’identité.
Procédures de vote
Les opérations de vote ont été globalement bien respectées dans les BV observés ; seules les vérifications des empreintes à l’aide de la tablette et des doigts de l’électeur ont été moins systématiques. Ainsi, i) la carte d’électeur ou la CNI de chaque électeur a été vérifiée dans 93% des cas, ii) les empreintes ont été vérifiées avec la tablette (74%), iii) la vérification que l’électeur n’a pas d’encre sur les doigts (82%), iv) la vérification que l’électeur figurait bien sur la liste d’émargement (93%), v) la remise d’un bulletin de vote unique avec hologramme et signatures
(92%), vi) le secret du vote a été respecté (90%), vii) signature de l’électeur sur la liste d’émargement (93%) et viii) le doigt de l’électeur a été correctement encré dans 94% des cas.
Continuité du vote
Le vote a été interrompu dans 4% des BV observés et les observateurs de la MIOE n’ont pu accéder aux 1 052 BV qui n’ont jamais pu ouvrir le jour du scrutin dans leurs régions de déploiement.
Participation des représentants des partis politiques
Des représentants d’Alassane Ouattara étaient présents dans 83% des BV observés. Ceux de Konan Kouadio Bertin (KKB) étaient, quant à eux, dans 16 % des BV. Aucun représentant de Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan n’étaient présents, conformément au mot d’ordre de l’opposition de boycotter activement le processus électoral. Enfin, les observateurs ont noté que les représentants des candidats interféraient avec le processus de vote dans seulement 3 % des BV visités.
Observation des opérations de vote par des organisations nationales
Des observateurs nationaux ont été identifiés dans 26% des BV visités. La mission a pu rencontrer les observateurs du CNDH (9%), PTI (5%) et d’autres organisations (12%).
Clôture, dépouillement et centralisation
Les observateurs de la MIOE n’ont pu observer aucune des étapes de clôture, dépouillement et de centralisation des résultats, pour des raisons de sécurité.
abidjan.net