Transition au Mali : la Cédéao joue “sa crédibilité et sa légitimité

Dimanche, la Cédéao, attendue à Ghana, doit examiner le calendrier, soumis par Bamako, qui prévoit d’étendre jusqu’à 5 ans la période de transition au Mali. Cette question fait l’objet d’un bras de fer aux lourds enjeux entre les autorités du pays et l’organisation ouest-africaine. 

 

Une réunion déterminante pour l’avenir du Mali ? Attendus à Accra, dimanche 9 janvier, les chefs d’État et de gouvernement ouest-africains de la Cédéao (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) doivent statuer sur le calendrier, censé mener à des élections, que leur ont soumis les autorités maliennes. Ces dernières souhaitent pouvoir maintenir la transition jusqu’à cinq ans à compter du 1er janvier 2022.

La Cédéao avait obtenu des autorités, issues du putsch d’août 2020, l’engagement qu’elles rendraient le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois. Mais le nouveau gouvernement, arrivé à la faveur d’un second coup d’État militaire en mai 2021, a depuis affirmé ne pas être en mesure de respecter cet engagement.

Il met en avant la détérioration de la crise sécuritaire, notamment dans le centre du pays qui voit depuis quelques années se multiplier les attaques jihadistes. Les dirigeants de la Cédéao devront décider, dimanche, de la réponse à apporter à un calendrier pouvant s’étendre jusqu’à fin 2026.

“Il s’agit de l’avenir du régime actuel qui a affirmé sa détermination à ne pas respecter les injonctions de la communauté internationale” analyse Niagalé Bagayoko, chercheuse, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN), interviewée sur France 24. “La question est de savoir si la Cédéao dispose des moyens d’imposer ses décisions au Mali”.

Les autorités de transition déjà visées par des sanctions

Lors d’un précédent sommet, le 12 décembre, les dirigeants ouest-africains avaient réclamé la tenue d’élections à la date initialement prévue du 27 février de cette année. Ils avaient maintenu les sanctions infligées à environ 150 personnalités (gel des avoirs financiers, interdiction de voyage au sein de la Cédéao) et leurs familles.

« Les membres des autorités de transition étaient auparavant inconnus du grand public. Pour la plupart, il ne s’agit pas de personnalités qui ont des intérêts financiers personnels hors du Mali” expliquait Étienne Fakaba Sissoko, directeur du Centre de recherche d’analyses politiques, économiques et sociales du Mali (Crapes), au moment de l’annonce de ces sanctions.

“Cette mesure est insuffisante pour faire plier les autorités. Mais elle s’inscrit dans un processus de sanctions graduelles mises en place par la Cédéao pour faire avancer les négociations. »

Le retour de l’embargo économique ?

Ce dimanche, la Cédéao, qui a menacé le Mali de sanctions « économiques et financières » supplémentaires, pourrait décider d’imposer un embargo économique, comme ce fut le cas après le coup d’État du 18 août 2020.

Cette mesure incluait la fermeture des frontières terrestres et aériennes, l’interruption des transactions financières ainsi que des échanges commerciaux, à l’exception des denrées de première nécessité.

Sous pression, les militaires avaient alors annoncé, deux mois plus tard, la création d’un gouvernement de transition et la Cédéao avait consenti à lever cette mesure. Pour autant, l’embargo a eu un lourd impact sur l’économie du pays et a suscité de vives critiques au sein de la société civile.

La Cédéao accusée de défendre ses intérêts

“L’enjeu du sommet de dimanche est absolument crucial aussi bien pour le Mali que pour la Cédéao elle-même” souligne Niagalé Bagayoko. “L’organisation y joue, à la fois, sa crédibilité et sa légitimité dans un contexte ou ses décisions sont extrêmement contestées par les populations maliennes, qui estiment, notamment, que l’organisation défend davantage les intérêts des chefs d’État que ceux du peuple, en violation de ses engagements”.

Au Mali, certains accusent l’organisation de pratiquer le « deux poids, deux mesures », en adoptant des positions fermes contre les coups d’État militaires, mais se montrant beaucoup moins critique vis-à-vis des dérives autoritaires des présidents élus qui s’accrochent au pouvoir. Une position mise notamment en avant par les soutiens du gouvernement malien, qui assimilent les actions de l’organisation ouest-africaine à une tentative d’ingérence dans les affaires du pays.

Les autorités de transition font, quant à elles, l’objet d’attaques de la part de plusieurs partis d’opposition, qui estiment que la prolongation de la transition n’est qu’une tactique pour rester au pouvoir.

France 24 avec AFP