L’une des caractéristiques majeures de cette construction a trait au mode de prise de décision adopté par le noble des prophètes Mouhammad (pbsl) et après lui, ses compagnons-califes qui lui ont succédé. Il s’agit de la shoura, la consultation par le chef, de toute son équipe dirigeante et de la population sous sa responsabilité, avant toute prise de décision. Cette façon d’agir a permis à la civilisation musulmane d’être portée au pinacle du concert des nations. Et de se donner des moyens de dominer le monde pendant des siècles avec des apports incommensurables dans tous les domaines de la vie. Cette démarche inclusive est une injonction divine révélée par Allah dans le noble Qour’ane et qui a servi d’aiguillon et de mode opératoire à Mouhammad (pbsl) et à ses compagnons. En effet, au verset 36 de la sourate 42, As-shoura, la consultation, Allah dit : « (ceux) qui répondent à l’appel de leur Seigneur, accomplissent la Ṣalāt, se consultent entre eux à propos de leurs affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons. » Ce processus délibératoire offre plusieurs avantages à tout dirigeant qui l’adopte. Premièrement, en termes de communication, il est du domaine affectif, ce que Platon appelle le pathos, et permet donc au dirigeant de créer un lien fort et affectif avec ses interlocuteurs et partant, avec les personnes qu’il dirige.
Deuxièmement, il offre une belle opportunité de recueillir plusieurs avis parfois divergents et d’avoir le recul nécessaire pour prendre les meilleures solutions réalistes, tenant compte des avis pertinents des experts en la matière et des réalités du vécu des populations concernées. Troisièmement, par sa nature inclusive, la shoura permet au dirigeant d’associer le peuple à ses prises de décision et de gagner l’adhésion de celuici dans la mise en œuvre de ces décisions. A savoir, l’appropriation sociale des décisions venant du haut par le peuple. Quatrièmement, la shoura constitue un véritable mécanisme de prévention voire de règlement des conflits à des échelles communautaires, nationales et internationales. Les conseils nationaux que convoquait le président Félix Houphouët-Boigny, les récents dialogues nationaux initiés récemment en France par le président Emmanuel Macron face à la crise des « gilets jaunes », l’appel au dialogue national fait par le président camerounais pour trouver des solutions à la crise anglophone que connait son pays, en sont des illustrations parfaites. Toutefois, il est impératif que le dirigeant soit sincère dans sa démarche et mette en œuvre effectivement les recommandations issues de la shoura qu’il initie. Ici en Côte d’Ivoire, par exemple, la non prise en compte des recommandations issues du forum pour la réconciliation nationale nous a entrainé au coup d’état de septembre 2002. Que dire de la communauté musulmane en Côte d’Ivoire à l’état actuel ? En l’absence de structure fédérative globale fonctionnelle, il est impératif de convoquer une consultation générale pour discuter et définir le futur de notre oumma. Ne pas le faire et agir de façon unilatérale, pourrait nous faire mal négocier les virages qui se présentent à nous. Les plus hautes autorités religieuses de notre oumma sont interpellées sur cette question. Qu’Allah nous accorde la pleine lucidité. Amine.
NURUDINE OYEWOLE [email protected] Expert-consultant en communication