Les 10 derniers jours du mois de Ramadan, repré- sentaient pour le Prophète et ses Compagnons une occasion privilégiée de se consacrer entièrement à l’adoration de Dieu, de se repentir, de se rap- procher de Lui, et de l’implorer afin qu’il concré- tise leurs aspirations les plus chères. Cette adoration représente d’ailleurs une pratique pro- phétique hautement recommandée, sunna mouak- kada.
Dans nos sociétés, où il n’est pas aisé d’opérer une retraite totale par rapport à son environne- ment, en s’isolant dans une des mosquées qui ouvre ses portes jour et nuit pendant cette période bénie, il est important de se demander comment ne pas passer à côté d’une telle adoration qui per- mettrait à l’être de se recentrer sur l’essentiel en opérant une rupture avec le monde qui l’entoure. Cette rupture, même si elle ne s’opère pas en s’as- treignant rigoureusement à une retraite dans un lieu déterminé, peut s’opérer intérieurement. D’ailleurs, le sens profond de l’Itikaf est de cher- cher à détacher son cœur et son esprit de toute autre préoccupation que Dieu et d’orienter conti- nuellement tout son être vers la direction de la Qibla. L’intention e
t la volonté ferme de s’extir- per d’un environnement physique, visuel, sonore,
qui sans cesse assaille notre être intérieur et nos sens, est une manière de concrétiser les objectifs de la retraite même si lescirconstances nous em- pêchent d’être physiquement dans une mosquée. Rappelons qu’un des principes qui fonde la juris- prudence islamique consiste à s’efforcer de réali- ser une chose, tant que faire se peut, même s’il est impossible de la concrétiser entièrement.
Le Messager de Dieu, évoquant les catégories de gens qui auront le privilège d’être sous l’ombre de Dieu le jour du jugement dernier, a cité la per- sonne dont le cœur est attaché aux mosquées. Il a parlé du cœur et non du corps qui, selon les cir- constances (maladie, voyage, activité profession- nelle, obligations familiales, etc.) peut être contraint à être séparé des lieux de culte. Il a aussi précisé que toute la terre était pour chaque mu- sulman, et ceci représente un privilège accordé à sa seule communauté, un lieu de prière. Se construire intérieurement et symboliquement un lieu de retraite revient à vivre pleinement celle-ci si l’être tout entier cherche à se détacher durant cette période de toute préoccupation futile, de tout ce qui empêche le cœur et l’esprit d’opérer une véritable rupture avec le monde environnant. Certes le Prophète, comme nous l’enseigne notre
mère Aicha, redoublait d’effort la dernière décade de ce mois béni, notamment parce qu’elle com- porte la nuit du destin ou de la valeur, au cours de laquelle Dieu décrète pour chaque âme, pour l’an- née à venir, son espérance, sa subsistance, etc. (sourate 44, verset 4). Mais en réalité, il vivait toujours dans cet état de proximité de Dieu, dans la recherche continue de Son agrément, que ce soit pendant ou en dehors de ce mois. Elle rap- porte que le Messager de Dieu, durant la nuit, ne priait pas plus de onze unités de prières, que ce soit pendant le mois de Ramadan ou en dehors de celui-ci.
Cette rupture qui est une aspiration qui doit habi- ter l’esprit de tout musulman est en réalité un moyen de s’exercer à être notre vie durant dans cet état de retraite vis-à-vis d’un environnement qui nous accapare, qui occupe notre esprit. La rupture, chez les élus de Dieu, à commencer par ses Messagers, est un état permanent. Dieu or- donne au Prophète (saw) de s’astreindre à une présence continue, à ne jamais rompre cet état de présence à Lui (Sourate 18, verset 24) qui est
l’unique voie pour vivre une véritable paix inté- rieure synonyme de remise confiante à Dieu en toute chose.
Dieu a gratifié et élu les Gens de la Caverne, qui ont vécu plus de 300 ans retirés du monde, en les préservant d’une société hostile à la foi qu’ils por- taient. Cette retraite bien physique était pourtant d’abord une action du cœur désirant vivre en in- timité avec l’Etre suprême. C’est ainsi que Dieu a concrétisé leurs plus hautes aspirations en les gratifiant de cette présence permanente du cœur (sourate 18, verset 14). Telle est la signification profonde du terme arabe Ribat.
Chercher à vivre cette communion du cœur consiste en somme à suivre les pas de nos prédé- cesseurs et les dix derniers jours du Ramadan sont un moment propice à l’exercice de l’ego à une discipline à laquelle il n’est pas forcément habitué au cours de l’année. Cette période représente un moment idéal pour s’exercer à vivre cette quête permanente d’excellence, qui caractérise de ma- nière intemporelle les êtres élus par Dieu.
Imam Meité Al Imam