30 ans de guerre sans merci
Cette fois, c’est leur dernier combat. Après s’être affrontés pour la succession de Félix Houphouët-Boigny, avant de s’allier contre Laurent Gbagbo, les deux rivaux depuis trente ans sont de nouveau en guerre ouverte. Et entendent définitivement en découdre lors de la présidentielle prévue le 31 octobre.
VINCENT DUHEM, À ABIDJAN
Lentement, Henri Konan Bédié fait son entrée au siège du Parti démocratique de Côte d’ivoire (PDCI). L’opposition, presque entièrement rassemblée, le suit dans un joyeux désordre. L’ancien chef de l’État se sait attendu. On lui a déroulé le tapis rouge, le volume de la musique a été monté, et un petit coussin a été installé dans son fauteuil pour soulager son dos. À la tribune, il écoute les discours qui se succèdent, chacun répétant avec force « qu’il n’y aura pas d’élection dans ces conditions », puis il lâche ces mots dont il a pesé tout le poids : « Face à la forfaiture, un seul mot d’ordre, irréversible : la désobéissance civile. »
Ce 20 septembre, Henri Konan Bédié, 86 ans, a franchi un nouveau pas, semblant retrouver dans l’adversité une nouvelle jeunesse. Candidat à la présidentielle du 31 octobre, il fera tout pour empêcher Alassane Ouattara, 78 ans, de briguer un troisième mandat. Car cela ne fait pas de doute : la rivalité qui les oppose a beau ne pas résumer à elle seule le scrutin à venir, elle en est un élément essentiel.
Cela fait plus de trente ans qu’ils se côtoient. Malgré cela, ils n’ont jamais été amis. « Ils ont toujours été en concurrence, confie une source proche des deux hommes. Il y a toujours eu entre eux une surveillance équivoque, mâtinée de détestation. Mais jamais de réelle estime ou d’affinité. »
Bédié et Ouattara sont bien différents. Le président du PDCI est un taiseux – il en a fait sa marque de fabrique. C’est aussi un homme du terroir, tandis que le candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), volontiers affable, s’est construit dans un monde anglo-saxon.
Leur histoire commune épouse celle de la Côte d’ivoire indépendante. C’est une pièce en plusieurs actes. Une comédie politique qui voit sans cesse les mêmes personnages revenir sur le devant de la scène. Ils en sont les acteurs principaux et en maîtrisent les rouages comme personne. Après s’être affrontés pour monter sur le trône de Félix Houphouët-Boigny, après s’être alliés contre Laurent Gbagbo, ils sont une nouvelle fois ennemis. Promis : cette fois-ci, c’est leur dernier combat.
ACTE I
Dans l’ombre du «Vieux»
Ce 7 février 1994, la Côte d’ivoire enterre Félix Houphouët-Boigny. Des milliers de personnes foulent le parterre de la basilique Notre-Dame-de-la-Paix de Yamoussoukro. On aperçoit la première dame, Marie-Thérèse, le visage couvert d’un léger voile noir. Henriette Bédié lui tient le bras, son époux les suit de près.
Henri Konan Bédié est fier comme un coq. Il trône. Le successeur du « Vieux », c’est lui. Quelques mois plus tôt, il est sorti vainqueur du bras de fer qui l’a opposé à Alassane Ouattara.
Les chemins des deux hommes se sont croisés pour la première fois dans les années 1960, aux États-Unis. Alassane Ouattara est alors un jeune étudiant. Un jour, son frère aîné, Gaoussou, lui présente un de ses anciens camarades de l’école primaire de Bocanda (Centre). Celui-ci a à peine plus de 30 ans, mais il est déjà l’ambassadeur de Côte d’ivoire à Washington. Son nom : Henri Konan Bédié.
Ouattara rentre à Abidjan en 1990, quand Houphouët le nomme Premier ministre. Entre-temps, il a fait carrière au FMI et à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Bédié, lui, a poursuivi son chemin sous les ors de la République : ministre de l’Économie et des Finances pendant près d’une décennie, jusqu’en 1977, puis président de l’Assemblée nationale, de 1980 à 1993.
Si Houphouët choisit de placer l’économiste Ouattara à la primature, c’est d’abord pour répondre à la forte agitation sociale qui secoue le pays et pour améliorer ses relations difficiles avec les bailleurs de fonds internationaux. Mais « si déterminant qu’ait été cet argument, il ne signifie nullement que l’on ne puisse faire cas d’une quelconque autre motivation, et notamment du désir inavoué d’Houphouët de dresser un nouveau venu comme dernier obstacle sur le chemin de la succession ouverte à Bédié », écrira Frédéric Grah Mel dans sa biographie du père de l’indépendance.
L’arrivée de Ouattara ” à la tête du gouvernement se fait pourtant sans accroc. Durant les premiers mois, ses rapports avec Bédié sont cordiaux. Le Premier ministre prend soin de se rendre régulièrement chez son aîné pour faire le point sur l’état du pays, et ils se retrouvent tous les mardis pour préparer le conseil des ministres.
Houphouët a fait de Bédié le deuxième personnage de l’État et son successeur constitutionnel, mais c’est à son Premier ministre qu’il a confié la gestion du pays en cas d’absence. Le président divisait-il pour mieux régner? À Abidjan, l’on raconte qu’avant de partir pour un de ces longs voyages qu’il affectionnait, il convoquait individuellement Ouattara, Bédié et le général Robert Gueï, son chef d’état-major. Au premier, il demandait de surveiller le deuxième, au deuxième le premier, et au troisième il conseillait de faire attention aux deux autres.
Les mois passent, et la rivalité entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale s’exacerbe. Après avoir assuré à Bédié que la mission de Ouattara excluait toute dimension politique, Houphouët laisse planer le doute. « Tout Ivoirien peut et doit avoir l’ambition de servir son pays au niveau où il croit que c’est le lieu approprié », déclare-t-il lors d’une interview accordée à la Radio télévision nationale (RTI) en octobre 1992.
Pour Bédié, qui patiente dans l’antichambre du pouvoir depuis tant d’années, c’est inacceptable. Le perchoir sera son exutoire. Il y prononce un discours particulièrement incisif contre la politique du gouvernement. La guerre est déclarée. Elle se répandra comme une traînée de poudre dans les hautes sphères de l’État. Chacun est invité à choisir son camp. Les grandes familles sont sommées de se positionner. Certaines resteront divisées de longues années.
« Le personnel politique originaire du Nord a été accusé de soutenir Ouattara. Qui n’a, de son côté, pas hésité à supprimer des avantages dont bénéficiaient certains responsables (comme les quotas sur le café et le cacao) pour faire le vide autour de Bédié, souffle un fin connaisseur de l’époque. Ils se sont tous les deux fait quelques crasses. »
La défiance est telle qu’un jour, quand l’électricité de l’immeuble où réside Bédié – une tour nichée sur les hauteurs de la corniche de Cocody – est coupée, les proches de ce dernier accusent immédiatement le Premier ministre. « C’est le jeu des ambitions », dira plus tard Bédié.
La tension et ce climat malsain marqueront les derniers mois de la vie de Félix Houphouët-Boigny. Et le 7 décembre 1993, Bédié devra forcer sa nature placide et réservée pour imposer à Ouattara et à ses soutiens le respect la Constitution.
Cette guerre de succession laissera des traces profondes : Ouattara en voudra aux cadres du Nord qui ont refusé de rejoindre le Rassemblement des républicains (RDR), né en 1994 d’une scission avec le PDCI, et Bédié ruminera sa vengeance contre ceux qui lui ont préféré son rival. « Tu voulais m’empêcher d’accéder à la magistrature suprême », reprochera-t-il des années plus tard à un haut fonctionnaire au moment de le limoger.
En décembre 1994, le nouveau code électoral stipule dans son article 49 que « nul ne peut être élu président de la République s’il n’est âgé de 40 ans révolus et s’il n’est ivoirien de naissance, né de père et mère eux-mêmes ivoiriens de naissance ». Alassane Ouattara est désormais exclu du jeu politique. Les manifestations de l’opposition sont violemment réprimées. Cinq ans plus tard, Bédié sera renversé par un coup d’État mené par le général Gueï. À l’époque, il est convaincu que Ouattara y est pour quelque chose.
Sa rancœur et son mépris envers son cadet s’expriment alors sans filtre. « De toute façon, [Ouattara] était burkinabè par son père, il en possédait toujours la nationalité, il n’avait pas à se mêler de nos affaires de succession », écrit-il dans son livre intitulé Les Chemins de ma vie, paru en 1999.
ACTE II
Le pacte
C’est l’histoire d’une alliance de raison, d’un mariage séduisant mais voué à l’échec tant il n’était que de façade. En septembre 2002, des rebelles venus du nord de la Côte d’ivoire ont échoué à faire tomber le régime de Laurent Gbagbo, vainqueur de la présidentielle de 2000. Depuis, le pays est coupé en deux et la diplomatie tente faire taire les balles. En mars 2003, Accra doit abriter un second round de négociât ions sous la houlette du président John Kufuor, mais elles patinent. La brouille entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié n’en est pas l’unique raison, mais cela joue. Car si leurs épouses ont déjà brisé la glace, les deux hommes ne s’adressent pas la parole ou si peu. « Tous les problèmes que j’ai, c’est à cause de Bédié », répète Ouattara. Cette situation n’a que trop duré, estiment plusieurs acteurs importants de la crise.
Dans la capitale ghanéenne, Ouattara et Bédié sont logés dans la même résidence hôtelière. Leurs chambres se font face. Un soir, avant le début du dialogue, Seydou Diarra, désormais Premier ministre, se rend dans celle de Ouattara. Il le prend par la main, l’exhorte à faire un geste et à aller voir son rival : « Il ne peut pas y avoir de réconciliation si vous ne vous parlez pas », insiste-t-il. « Je ne suis pas en costume, va-t-il me recevoir? », répond finalement Ouattara. Il traverse le couloir, pénètre dans la chambre de Bédié et n’en ressortira que plusieurs heures plus tard. L’abcès est crevé. Les négociations peuvent avancer. C’est l’acte fondateur de leur réconciliation.
« Elle s’est faite au nom de leur détestation commune pour Gbagbo. Ils ont compris que c’est leur rivalité qui lui avait permis d’émerger », précise à « Jeune Afrique » un homme qui les connaît bien.
Soutenue par la France, cette volonté de mettre fin au régime de Laurent Gbagbo donnera naissance, en mai 2005, à Paris, au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui n’est pas encore le parti unifié que l’on connaît mais un groupement de formations où se retrouvent le PDCI, le RD R, l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’ivoire (UDPCI) d’Albert Màbri Toikeusse et le Mouvement des forces d’avenir (MFA) d’innocent Anaky Kobéna.
Alassane Ouattara arrive finalement au pouvoir en avril 2011 à l’issue d’une grave crise postélectorale. Pendant des semaines, alors que les combats font rage à Abidjan, Bédié reste à l’hôtel du Golf, où Ouattara et son entourage ont établi leurs quartiers. Il demeure souvent cloîtré dans sa chambre, où il se fait ravitailler en cigares, mais c’est un symbole fort, que son ancien rival apprécie. Alassane Ouattara le sait: jamais il ne l’aurait emporté au second tour face Laurent Gbagbo si Bédié, arrivé officiellement troisième à l’issue du premier tour, n’avait pas appelé à voter pour lui.
Tout cela à tout de même un prix. En politique, rien n’est gratuit. Bédié est régulièrement consulté, parfois associé à la gestion des affaires publiques. On l’honore, il est choyé. En plus de ses indemnités d’ancien chef d’État, la présidence lui verse plusieurs dizaines de millions de francs CFA – certaines sources avancent le chiffre invérifiable de 100 millions de francs CFA (150 000 euros) – tous les mois. Plusieurs membres de sa famille sont nommés dans les grandes sociétés d’État ou à la primature. Une grande partie de son protocole est prise en charge. Certains de ses collaborateurs émargent dans des ministères ou des grandes institutions. Et quand Bédié s’envole pour la France pour son séjour annuel, ou qu’il se rend au Ghana pour rencontrer le roi des Ashantis, c’est à bord d’un avion de la flotte de l’État. Dans les couloirs de la présidence, l’on dit alors que « Bédié est gavé comme une oie ».
La relation entre Bédié et Ouattara prend un nouveau virage le 17 septembre 2014. Ce jour-là, sur une place de Daoukro bondée comme jamais, le Sphinx appelle son parti à voter pour Ouattara dès le premier tour de la présidentielle de 2015. Dans les rangs du PDCI, c’est la stupeur. « L’objectif, c’est d’aboutir à un parti unifié, étant entendu que ces deux formations sauront établir entre eux l’alternance au pouvoir dès 2020 », poursuit Bédié. Personne n’a été mis dans la confidence, mais les deux hommes ont scellé un pacte trois jours plus tôt, en présence de Guillaume Soro. Il n’y en aura aucune trace écrite, et il porte en lui les ingrédients de leur future discorde.
« Cela avait déjà été le cas dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2010, rappelle un important responsable du RHDP. Des documents avaient été préparés pour officialiser la répartition des postes avec le nombre de ministres, de directeurs généraux et d’institution accordés au PDCI. Mais ils n’ont jamais été signés. »
Simple imprudence ou nouvel épisode du jeu de dupes qui oppose deux briscards de la politique ? Il prendra en tout cas fin quelques années plus tard sur l’autel du parti unifié, pourtant initialement souhaité aussi bien par Ouattara que par Bédié. Bientôt, le contact sera bientôt rompu. « Dans cette histoire, chacun porte sa part de responsabilité », analyse un ancien cadre du parti aujourd’hui membre du gouvernement.
ACTE III
Le dernier duel
Henri Konan Bédié est réveillé de sa sieste en plein après-midi. « Monsieur le président, c’est urgent. Il s’agit du Premier ministre. » « Oui je sais, il a été hospitalisé », répond Bédié. « Non, il est décédé. » Choqué, l’ancien chef de l’État en laisse presque tomber son cigare. Nous sommes le 8 juillet 2020. Amadou Gon Coulibaly, dauphin désigné d’Alassane Ouattara, vient de rendre l’âme.
Dans les heures qui suivent, Bédié prend son téléphone pour présenter ses condoléances à Alassane Ouattara. Trois tentatives, aucune réponse. Le chef de l’État est meurtri, il n’en dormira pas pendant trois jours. « Il ne voulait pas prendre au téléphone ceux qui n’avaient pas arrêté de critiquer Gon ou n’avaient pas cru en lui. Et Bédié, dont Ouattara n’a pas toléré certains propos, en fait partie », confie un ami du chef de l’État.
La mort du Premier ministre rebat les cartes. Alassane Ouattara comptait peser de tout son poids pour permettre son élection. En cas de victoire, il pensait demeurer président du RHDP tout en continuant à orienter discrètement la politique du gouvernement, et cela, seul son « ami de trente ans » le lui aurait permis.
En 2017 déjà, il avait confié en privé qu’il pourrait briguer un troisième mandat dans deux cas de figure : si la santé de son Premier ministre ne permettait pas à ce dernier de concourir et si Henri Konan Bédié se portait candidat. Or, après avoir longtemps caché son jeu, l’ancien président s’est dévoilé lors de l’un de ses derniers tête-à-tête avec Ouattara, en avril 2018, et il ne pouvait ignorer que, ce faisant, il prenait le risque de relancer Ouattara dans la course. Ironie du sort, c’est le président lui-même qui, en faisant sauter le verrou constitutionnel de la limite d’âge, a offert à Bédié cette opportunité inespérée de prendre une revanche sur l’Histoire.
La suppression de la limite d’âge, Henri Konan Bédié l’avait demandée dès les accords de Marcoussis en 2003, mais c’est l’entourage de Ouattara, et notamment Amadou Gon Coulibaly, qui l’a remise au goût du jour à l’occasion du vote de la nouvelle constitution à la fin de 2016. C’est un fait: Bédié paraît autant obnubilé par son souhait de ramener son parti au pouvoir que par le désir de décrédibiliser son adversaire. « Il considère qu’on lui a transmis le pays en héritage et qu’il l’a perdu, raconte un homme d’affaires proche du PDCI. Il doit montrer à ses parents akans qu’il s’est battu jusqu’au bout pour tenter de le récupérer. »
Il s’est attelé à poser les bases d’une alliance avec l’ancien président Laurent Gbagbo et avec Guillaume Soro, l’ex-président de l’Assemblée nationale, en exil à Paris. Une manœuvre essentielle pour rassembler au-delà des fiefs traditionnels du PDCI et pour compenser la défection de plusieurs grands barons du parti qui étaient à même de mobiliser les militants mais qui ont préféré rejoindre le RHDP.
Mais ce jeu d’alliance, en plus d’être un pied de nez à l’histoire, va-t-il se transformer en piège? Depuis le rejet de leur candidature par le Conseil constitutionnel, ni Gbagbo ni Soro ne semblent plus vouloir entendre parler d’élection le 31 octobre. « Bédié n’a d’autre choix que d’accompagner le reste de l’opposition, résume l’un de ses proches. S’il va à l’élection sans leur accord, il n’aura pas leur voix. Mais s’il appelle au boycott, il prend le risque d’être mis hors-jeu. » « Peu importe la configuration, analyse un autre cadre du PDCI : depuis la décision du Conseil constitutionnel, Bédié est convaincu que les dés sont pipés et que, s’il se présente dans ces conditions, il ne pourra pas gagner. »
Ouattara est, lui aussi, déterminé, persuadé que le front commun contre sa candidature ne tiendra pas et qu’il sera en mesure d’étouffer toute contestation. Après la mort de Gon Coulibaly, il ne lui a fallu que quelques jours pour reconsidérer son engagement de ne pas se représenter. « À ses yeux, ne pas l’être aurait ouvert un boulevard à Bédié. C’était inconcevable », raconte un de ses proches.
Si le chef de l’État ivoirien s’attendait que la légalité de sa candidature soit remise en question, il goûte peu les réserves émises par la communauté internationale et s’énerve d’être comparé à Alpha Condé ou à Paul Biya. Si, poussé par la France et quelques chefs d’État africains, il a accepté de libérer des proches de Guillaume Soro, il ne semble pas prêt à faire des concessions majeures avant un scrutin qu’il n’entend pas reporter. Bédié, compte tenu de son âge, va devoir se ménager et limiter ses apparitions sur le terrain ? Qu’à cela ne tienne : Ouattara prévoit de mener une intense campagne, de s’appuyer sur une organisation et une ingénierie électorale qui ont fait leurs preuves en 2010, ainsi que sur des moyens financiers colossaux.
Le scrutin pourra-t-il se tenir à bonne date? Quid de l’après-élection? De la sous-région à l’Élysée, on redoute un retour de la violence, dix ans après la fin de la crise postélectorale. D’autant que la contestation de la candidature du chef de l’État réveille les vieux démons d’un pays qui n’a pas surmonté l’un des fils conducteurs de la relation entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié : celui de la nationalité. Qui est ivoirien et qui peut le devenir? Un débat qui traverse toujours la société ivoirienne, que la classe politique n’a jamais réellement osé trancher et qui permet aujourd’hui à chaque camp de mobiliser ses partisans autour de deux sentiments très humains : la peur et la frustration.
Source : Jeune Afrique n°3093 – octobre 2020 page 52-57