La femme qui parlait avec le Coran
L’imam Ibn Hiban rapporte dans son recueil, une histoire qui s’est déroulée au temps des tabi’ines. Cette histoire est en réalité une discussion entre le savant et homme pieux Ibn Al Mubarak et une femme âgée qu’il rencontre dans le désert. La particularité de cette femme est extraordinaire et pousse à l’admiration : elle ne parle qu’avec les versets du coran
Al Mubarak : Alors que je me rendais à la ville sacrée pour y accomplir le pèlerinage et visiter la tombe prophète, paix et salut sur lui, j’aperçus sur ma route une silhouette noire. C’était une femme vêtue d’une djellaba noire et d’un khimar. Je me suis alors adressé à elle : « Paix et miséricorde d’Allah sur vous. »
La femme : « « Salam » (paix et salut)! Parole de la part d’un Seigneur Très Miséricordieux. » (36 :58)
Ibn Al Mubarak : Qu’Allah vous fasse miséricorde, que faites vous dans cet endroit?
La femme : « Et quiconque Allah laisse égarer, n’a plus personne pour le guider. » (13 :33). Ibn Al Mubarak sut qu’elle s’était égarée et lui demanda donc où est ce qu’elle souhaitait se rendre.
La femme : «Gloire et Pureté à Celui qui de nuit, fit voyager Son serviteur [Muhammad], de la Mosquée Al-Haram à la Mosquée Al-Aqs » (17 :1). Ibn Al Mubarak comprit qu’elle avait accompli son pèlerinage et voulait visiter la mosquée sacrée d’Al-Aqssa à Jérusalem. Il lui demanda combien de temps elle était à cet endroit.
La femme : « Trois nuits tout en étant bien portant. » (19 :10). Ibn Al Mubarak: Avez-vous de quoi manger ?
La femme : « C’est Lui qui me nourrit et me donne à boire. » (26 :79)
Ibn Al Mubarak : Comment faites-vous les ablutions ?
La femme : « Si vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à une terre pure. » (4 :43)
Ibn Al Mubarak : J’ai avec moi de quoi manger, en voulez vous ?
La femme : « Puis accomplissez le jeûne jusqu’à la nuit. » (2 :187)
Ibn Al Mubarak : Il nous est permis de manger durant le voyage.
La femme : « Mais il est mieux pour vous de jeûner; si vous saviez! » (2 :184)
Ibn Al Mubarak : Pourquoi ne me parlez vous pas comme je vous parle ?
La femme : « Il ne prononce pas une parole sans avoir auprès de lui un observateur prêt à l’inscrire. » (50 :18)
Ibn Al Mubarak : Quel type de personne êtes vous ?
La femme : « Et ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé.» (17 : 36)
Ibn Al Mubarak: Excusez mon erreur !
La femme : « Pas de grief contre vous aujourd’hui! Qu’Allah vous pardonne. » (12 : 92)
Ibn Al Mubarak : Voulez vous que je vous porte sur mon chameau jusqu’à rejoindre la caravane ?
La femme : « Et le bien que vous faites, Allah le sait. » (2 : 197).Ibn Al Mubarak fit accroupir son chameau pour qu’elle puisse monter.
La femme : « Dis aux croyants de baisser leurs regards ». (24 : 30)
Ibn Al Mubarak : Montez ! Au moment de monter, le chameau s’enfuit et lui déchira ses habits.
La femme : « Tout malheur qui vous atteint est dû à ce que vos mains ont acquis. » (42 :30)
Ibn Al Mubarak : Patientez !
La femme monta sur le chameau et dit : « Gloire à Celui qui nous a soumis tout cela alors que nous n’étions pas capables de les dominer. C’est vers notre Seigneur que nous retournerons.» (43 :13-14). Ibn Al Mubarak prit la laisse et se mit à criailler en marchant avec précipitation.
La femme : « Sois modeste dans ta démarche, et baisse ta voix. » (30 :19). Ibn Al Mubarak se mit à marcher doucement tout en déclamant des poèmes.
La femme : « Récitez donc ce qui (vous) est possible du Coran. » (73 : 20)
Ibn Al Mubarak : « Il vous a été donné un bien immense. »
La femme : « Mais seuls les doués d’intelligence s’en souviennent. » (2 :269). Ibn Al Mubarak lui demanda, après des heures de route, si elle avait un mari.
La femme : « Ô les croyants! Ne posez pas de questions sur des choses qui si elles vous étaient divulguées, vous mécontenteraient. » (5 :101).
Ibn Al Mubarak décida alors de ne plus l’interroger. Après avoir rattrapé la caravane il lui demanda : « Connaissez vous du monde dans cette caravane ? »
La femme : « Les biens et les enfants sont l’ornement de la vie de ce bas monde. » (18 :46)
Ibn Al Mubarak sut qu’elle avait des enfants et lui demanda ce qu’ils faisaient à La Mecque.
La femme : « Ainsi que des points de repère. Et au moyen des étoiles (les gens) se guident. » (16 :16). Ibn Al Mubarak comprit que ses enfants étaient des guides pour les voyageurs. Il se dirigea alors vers les habitations et demanda à la femme le nom de ses enfants.
La femme : « Et Allah avait pris Ibrahim pour ami privilégié. » (4 : 125), « Et Allah a parlé à Moussa de vive voix » (4 :164) « Ô ! Yahyâ, tiens fermement au Livre (la Thora)! » (19 :12) Ibn Al Mubarak les appelèrent alors : « Ibrahim ! Moussa ! Yahya ! ». Ils vinrent à sa rencontre et leurs beautés étaient semblables à celle de la lune. Après s’être assis auprès de leur mère, celle-ci leur dit : « Envoyez, donc l’un de vous à la ville avec votre argent que voici, pour qu’il voie quel aliment est le plus pur et qu’il vous en apporte de quoi vous nourrir. » (18 :19). Un d’eux partit alors acheter de quoi manger et le présenta à Ibn Al Mubarak.
La femme : « Mangez et buvez agréablement pour ce que vous avez avancé dans les jours passés. » (69 :24)
Ibn Al Mubarak s’adressa aux enfants : « Je ne mangerais ce repas que lorsque vous m’aurez informé des raisons qui poussent votre mère à parler qu’avec le coran » Les enfants lui dirent : « voilà quarante ans que notre mère ne parle qu’avec le Coran de peur de prononcer une parole inconvenante et causer de ce fait la colère du Miséricordieux ».
Ibn Al Mubarak s’exclama : « Telle est la grâce d’Allah qu’Il donne à qui Il veut. Et Allah est le Détenteur de l’énorme grâce. » (57 :21)
Hedi Majdoub