HOUPHOUET, BEDIE ET LE COMPLOT DU GENERAL KOUASSI (Troisième partie)

 

D-LE RETOUR DE BEDIE ET LES 1000 Dollars Au NONCE APOSTOLIQUE

Sorti de l’atmosphère morose de la scène internationale, Henri Konan Bédié réapparut de façon soudaine dans le radar politique domestique. Premier ambassadeur de Côte d’ivoire aux États-Unis et au Canada après l’indépendance, il occupa le poste de ministre de l’Economie et des Finances entre 1966 et 1977. Il servit ensuite comme conseiller du groupe World Bank International Finance-Corporation à Washington DC. Je le vis à Genève dans le courant de l’été 1980, à la résidence du président, alors que j’attendais la fin d’une audience. Je ne savais pas exactement avec qui il s’entrete­nait, jusqu’à ce que Bédié vienne vers moi, paraissant particulière­ment allègre : « Je retourne en Côte d’ivoire. » Il était requinqué et s’exprimait avec un sourire reluisant. « C’est bien, ai-je répondu, un peu surpris. Je suis très content de l’apprendre. » Nous bavardâmes brièvement vers la sortie. Durant les deux années passées à Washing­ton, il se sentait de plus en plus en exil, l’opportunité de retourner dans son pays natal n’aurait pu arriver à un moment plus approprié que celui-là. Après avoir fini d’accomplir son calendrier du jour, le président me réaffirma qu’il avait accédé à la demande de Bédié de rentrer en Côte d’ivoire pour se présenter aux élections.

En automne, Bédié gagna les élections du PDCI dans sa région et devint député à l’Assemblée nationale. Deux mois plus tard, il remplaça Philipe Yacé à la présidence de l’Assemblée. C’était une étape vitale qui le positionnait en droite ligne pour devenir le successeur constitutionnel du président Félix Houphouët-Boigny.

Au début, il semblait content de son nouveau poste ; il se pré­senta à deux élections successives et en sortit victorieux. Cepen­dant, il nourrissait depuis longtemps le désir impatient de devenir le prochain président du pays. Il convia une fois le nonce aposto­lique Mgr Mullor Garcia à déjeuner à son domicile et lui remit une enveloppe contenant 500 000 francs CFA (environ 1 000 dol­lars) « pour l’Église ». Mon cher ami Mgr Mullor le remercia pour sa charitable « donation ». Mais il fut choqué d’apprendre qu’il y avait plus d’un sens à son geste. « Vous êtes l’ami du pré­sident, murmura Bédié. Il vous écoute. Pouvez-lui lui demander de démissionner et de me remettre les rênes du pouvoir ? » Le prélat me confia plus tard qu’il resta sans paroles, ébahi, et qu’il se sentit insulté par cette manifestation d’audacieuse impudence. « Je ne peux pas transmettre une demande aussi impossible », lui dit-il d’un ton calme, mais son désenchantement était parfaite­ment clair. Peu après cet épisode bizarre, il remit l’enveloppe au sanctuaire marial et fit de son mieux pour occulter de ses pensées ce malencontreux faux pas.

 

A suivre…

Source: LES MEMOIRES DU Dr BERRAH (Ancien conseiller du Président Felix HOUPHOUET BOIGNY)