Qui est le vrai père de la Démocratie ivoirienne?

 

PÈRE DE LA DÉMOCRATIE IVOIRIENNE ? DÉMENTI D’UNE FALSIFICATION HISTORIQUE !

Dans une interview accordée en juin 2008, Laurent Gbagbo affirmait dans cet entretien :  » C’est moi qui ai lutté pour la démocratie ; c’est moi qui ai fait de la prison Des prisons J’ai fait au moins quatre fois de la prison pour que nous ayons de nouveau cette démocratie. C’est moi qui ai été en exil pendant six ans et demi à Paris () Je suis là, et c’est moi qui ai ramené la démocratie par mon combat quotidien. Il faut que cela se sache !  »

Réplique de Tiburce Koffi :

 »Quelle vibrante proclamation d’amour de soi ! Quelle autoglorification ! Quelle infatuation ; et quelle énorme falsification et travestissement de l’histoire. Enfin, quelle récupération malsaine ! Non, que surtout personne n’essaie de me retenir : Jeunes gens de 15, 18, 20 ou 30 ans, je vous le dis tout net : cet homme ne dit pas la vérité. Et je me dois de rétablir la vérité historique qu’il transgresse de manière inacceptable. Oui, il a connu l’exil ; mais il n’a pas été le premier, ni le seul comme il le proclame. Bien avant lui, des Ivoiriens ont connu l’exil pour le combat en faveur du multipartisme, la démocratie et la souveraineté nationale. Mémel Foté a connu la prison et l’exil avant lui ; Francis Wodié, de même. Même après lui (Gbagbo), il y a eu Sahiri Léandre (un ami et camarade à moi qui vit toujours à Paris), Marcel Amondji, et bien d’autres dont les noms échappent, sur l’instant, à ma mémoire…

Le combat pour la pluralité d’expression n’est pas une invention ni une aventure intrépide de M. Gbagbo Laurent. Il y a eu, outre des prédécesseurs comme Gbaï Tagro (le plus intrépide d’entre tous à la fin des années 1970), des maîtres aussi qui ont semé ces idées et les ont fait prospérer. Précèdent encore Gbagbo dans ce combat, outre Mémel Foté, Désiré Tanoé (le maître de la pensée de gauche en Côte d’Ivoire), Francis Wodié, Doudou Salif, l’avocat Adam Camille, Désiré Ecaré, Barthélemy Kotchy, Oupoh Oupoh, Ngo Blaise, Bernard Zadi (son véritable maître – qui est aussi le mien), Samba Diarra, Kodjara, Amadou Koné et les figures légendaires et emblématiques des complots de 1963, parmi lesquels Bernard Zadi qui eut pour compagnon de cellule à Assabou, Jean Konan Banny, frère aîné de M. Charles Konan Banny. Bernard Zadi compte même au nombre des témoins de la mort d’Ernest Boka ; et Gbagbo n’a pas connu ces choses-là, qui figurent au nombre des moments les plus durs de la vie politique ivoirienne.

Oui, jeunes gens, celui qui vous tient ces propos compte au nombre des dernières mémoires libres de la gauche ivoirienne de la génération 1970-80, pétries entre les mains de nos maîtres universitaires que furent et demeurent les Pr Kotchy, Zadi, Wodié et Niamkey Koffi. Et je ne peux accepter que Gbagbo Laurent, devenu président de la République par un bégaiement de l’Histoire, falsifie l’histoire de ce combat épique pour lequel de nombreux ivoiriens ont fait tant de sacrifices.

Quand il a fui la Côte d’Ivoire, en 1982, à cause d’une petite colère d’Houphouët (pour aller se cacher en France et rédiger des tracts et un malheureux livre), nous sommes restés sur place, au pays, nos maîtres et nous, et d’autres enseignants courageux (comme Laurent Akoun, Ganin Bertin) qui étaient en avance sur nous dans le combat, et qui nous ont encadrés sur le terrain de la lutte syndicale et politique : Améa Jean, Patrice Nda, feue Jeanne K., Any Roger, Ndri Constantin, Josette Abondio, Guillaume Koffi Kouassi, Tapé Kipré, Danho Éléonore, Jean-Paul Ndépo, Valérie Diby, Désiré et Honoré Adé, entre autres, comptent au nombre de ces combattants pour la cause ; et tous ont continué la lutte pour faire triompher le grand idéal qui nous avait nourris et que les refondateurs ont trahi aujourd’hui. Et nous nous sommes vraiment battus. Nous avons, nous aussi, fait la prison (la Sûreté nationale, la DST, la Maca), Séguéla ; nous avons connu la fourgonnette bleue des RG, les menottes, la séparation d’avec la famille, les interrogatoires, les suspensions de salaire, etc. Certains d’entre nous n’ont pas survécu aux maltraitances de Séguéla et ils sont morts quelques temps après notre libération : Appia Koménan, Traoré Yaya (paix à vos âmes, camarades !)

Comment donc Laurent Gbagbo peut-il se permettre d’effacer toute cette histoire, tout ce combat collectif, pour ne parler que de sa personne ?! Quel (s) risques majeurs a-t-il pris que nous n’avons pris, nous autres qui sommes restés ici pour affronter la colère royale de Boigny-le-redoutable en ces temps là où, selon la belle expression du maître B. Zadi,  » Le PDCI avait les dents rouges, grondait et crachait du feu comme dragon de nuit ?  » Un chef d’État est-il Dieu pour (re) créer le monde à sa guise ? Si oui, que Gbagbo sache que les adversaires les plus farouches des hommes-dieux, ce sont les intellectuels libres et iconoclastes par option idéologique ! Et dans le cas précis de ce combat, j’en suis un. Non : tant que je serai vivant, tant que je ne serai pas devenu manchot, je ne laisserai aucune chance à M. Gbagbo et aux refondateurs de dire des contrevérités aux jeunes gens et de falsifier l’histoire des luttes libertaires de notre pays. Ca suffit !!!

Tiburce Koffi