Surnommée la « Mère Teresa » musulmane de Montréal, Sabariah Hussein aura dû attendre l’âge de la grande maturité, 70 ans, pour que son visage, respirant la bonté, soit connu de tous et que son dévouement exemplaire auprès des plus nécessiteux soit reconnu à sa juste valeur, au pays de l’érable.
Née à Johor Bahru, en Malaisie, au sein d’un foyer très pieux, Sabariah Hussein fut élevée dans le respect des nobles valeurs musulmanes que sont la générosité, la solidarité, l’empathie et la charité.
Fière d’avoir marché très tôt sur les traces de ses parents dont elle admirait l’engagement, plein d’abnégation, auprès des déshérités de leur région, puis de Singapour où sa famille s’installa, l’attachante septuagénaire garde un souvenir ému de son enfance, lorsqu’elle« suivait sa mère pour l’aider à couper les légumes et la viande », afin de mitonner des repas chauds pour les plus démunis.
« Même à Singapour, nous aidions toujours les êtres les plus vulnérables et en grande souffrance. C’est ce que l’islam nous enseigne et nous enjoint de faire », souligne-t-elle avec la grande dévotion qui la caractérise.
A la mort de ses regrettés parents et après avoir séjourné quelques années en Arabie saoudite, Sabariah Hussein posa ses bagages au pays de l’érable en 1985, en unissant son destin à celui de Michel Paul Alain, un Canadien converti à l’islam sous le nom de Muhammad Ali Abdullah.
Educatrice de son état, sa fibre humanitaire ne tarda pas à vibrer en elle. Profondément choquée par la misère sociale des femmes, de toutes origines et religions, qu’elle observait autour d’elle, de surcroît dans un pays riche, Sabariah Hussein, avec l’assentiment de son époux, décida tout naturellement d’accueillir chez elle cette détresse humaine, souvent pendant un à deux mois, notamment dès que l’hiver glacial pointait le bout de son nez.
« Un beau jour, j’ai eu une idée. Si j’avais de l’argent, je pourrais trouver un appartement à ces femmes. À cette époque, j’étais proche de l’association des étudiants musulmans de l’Université de Concordia », raconte-t-elle, ajoutant avec un dynamisme que les années n’ont pas entamé : « Je leur ai expliqué que je voulais vendre des spécialités culinaires au sein de l’université pour récolter des fonds. Ils ont trouvé l’idée excellente et ils ont demandé l’autorisation de leur université. Alhamdullilah, j’ai obtenu le feu vert du président de l’université et, progressivement, j’ai réussi à recueillir entre 200 et 300 dollars par jour, tant les étudiants et les professeurs étaient sensibles à la cause pour laquelle je me battais ».
C’est ainsi que le Centre d’hébergement des femmes, situé à Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, un arrondissement de la ville de Montréal, est passé du rêve à la réalité, pour le plus grand bonheur de celle qui oeuvra sans relâche pour qu’il puisse ouvrir grand ses portes à toutes les femmes esseulées, précarisées et marginalisées.
Fidèle aux enseignements coraniques, Sabariah Hussein n’a jamais cessé de tendre la main à son prochain en souffrance, qu’il soit musulman ou non, allant même jusqu’à créer des passerelles caritatives interreligieuses entre les églises et les mosquées de Montréal, sans avoir sollicité aucune aide du gouvernement canadien.
« Aimez-vous. Nous vivons sous une seule bannière et Dieu seul peut nous juger. Ne soyez pas critiques et malveillants les uns envers les autres. Seul Allah sait ce que contiennent les cœurs », tel est le credo de celle que le Canada, son pays d’adoption, compare désormais avec affection à l’inoubliable « Mère des pauvres » de Calcutta.