Sénégal : Khalifa Sall révoqué de ses fonctions de maire de Dakar par le président Macky Sall

« Monsieur Khalifa Ababacar Sall est révoqué de ses fonctions de maire de la Ville de Dakar », selon un décret signé par Macky Sall et par le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne. Alors que les protestations des avocats de Khalifa Sall ainsi que celles de défenseurs des droits de l’homme s’élèvent à la suite de cette décision prise après que la cour d’appel de Dakar a confirmé jeudi la peine de cinq ans décidée en première instance à l’encontre du maire de Dakar, cette révocation apparaît comme une estocade décisive contre l’ex-édile de Dakar. Cette décision contre l’un des principaux opposants au chef de l’État et également candidat déclaré à la présidentielle de février 2019 a fait l’objet d’éditions spéciales à la télévision et à la radio. « La condamnation du maire de Dakar par la cour d’appel le prive de la capacité juridique et de l’autorité morale nécessaires à l’exercice de ses fonctions », d’après un rapport du ministre de la Gouvernance territoriale, qui a la tutelle sur les villes, et sur lequel se fonde notamment le décret.

Les partisans de Khalifa Sall crient à la persécution

La révocation du maire de Dakar a été immédiatement dénoncée comme « illégale, anti-démocratique et sans fondement » par un de ses avocats, Amadou Ali Kâne, joint par téléphone par l’AFP. « Khalifa Sall n’est pas définitivement condamné. Nous sommes dans les délais de recours et en matière pénale ceux-ci sont suspensifs. Il avait six jours à partir » de la date de sa condamnation en appel « pour se pourvoir en cassation », a déclaré Me Kâne, évoquant les textes qui organisent la Cour suprême au Sénégal. « Le harcèlement et la persécution [contre le maire de Dakar] semblent se confirmer. Cette décision est manifestement illégale », a également déclaré sur une radio Me Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (LSDH) et avocat de Khalifa Sall. « C’est catastrophique à ce stade de la procédure que le président Macky Sall prenne un décret pour révoquer Khalifa Sall. C’est admettre qu’il est [définitivement] fautif alors que les voies de recours ne sont pas encore terminées », a fait remarquer Babacar Ba, du Forum du justiciable, une organisation de défense des droits de l’homme. « Khalifa Sall est toujours présumé être innocent. Où sont les conseillers et les juristes du président de la République », s’est demandé M. Ba. La défense du maire et son entourage avaient annoncé jeudi un recours devant la Cour suprême après sa condamnation en appel et confié son intention de se présenter à la présidentielle. Pour rappel, la cour d’appel a condamné Khalifa Sall à cinq ans de prison ferme et à verser « solidairement » avec trois de ses sept coaccusés la somme de 1,8 milliard de francs CFA (environ 2,75 millions d’euros) à l’État du Sénégal.

Justice ou politique ?

Khalifa Sall, en détention depuis mars 2017, avait été condamné en première instance pour « escroquerie portant sur des fonds publics » et « faux en écriture », pour le détournement d’environ 2,5 millions d’euros prélevés entre 2011 et 2015 sur les caisses de la ville de Dakar. Maire depuis 2009, ce dissident du Parti socialiste (PS) et de la majorité présidentielle affirme que les poursuites judiciaires à son encontre visent à l’empêcher de se présenter à la présidentielle, ce que démentent les responsables de la majorité. Homme politique populaire de 62 ans, Khalifa Sall est considéré comme l’un des rares adversaires à pouvoir menacer dans les urnes le président sortant Macky Sall, qui devrait briguer un second mandat. Jeudi, la Cour suprême du Sénégal avait par ailleurs rejeté le pourvoi d’un autre opposant, Karim Wade, fils et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), contre sa radiation des listes électorales. Une décision qui constitue un revers judiciaire pour cet autre candidat déclaré à la présidentielle qui, selon son avocat, conserve néanmoins des chances de se présenter.

Le Point Afrique avec AFP